« Les gens non monogames ont tous des ITSS » et trois autres mythes sur la non-monogamie

Résumé

Les relations non monogames sont-elles réellement propices au malheur, à la jalousie et aux ITSS? Notre collaboratrice Léa Séguin clarifie le tout.

On recommande de ne jamais lire les commentaires sur les réseaux sociaux. Il paraît que se soucier de ce que pensent les gens sur des sujets polémiques est une perte de temps. Pire encore, frustration et maux de tête garantis! 

Peut-être bien, mais je ne suis pas du genre à obéir à ce genre de sagesse. J’aime connaître l’étendue des croyances et des opinions à l’égard de thématiques qui me tiennent à cœur (le droit à l’avortement, les droits des personnes trans, la lutte contre la grossophobie, etc.) afin de mieux comprendre les points de vue qui s’opposent aux miens. 

Étant polyamoureuse depuis environ douze ans, l’un de ces sujets qui m’intéressent particulièrement est la non-monogamie. Puisque je passe des heures et des heures à lire des commentaires sur Facebook et Instagram (et je ne suis pas sur le point d’arrêter!), j’ai pensé que je pourrais profiter de ce « passe-temps » pour rédiger un article scientifique sur ce que les gens pensent de la non-monogamie (Séguin, 2019). Quels sont les préjugés et les idées préconçues qui circulent? D’où provient la stigmatisation?

Mais avant de décortiquer ces questions, voici une chose à garder à l’esprit : le terme « non-monogamie » est souvent accompagné des qualificatifs « consensuelle », « éthique » ou « négociée ». Cependant, on n’emploie pas ces adjectifs quand on parle de monogamie. Ce double standard insinue que la non-monogamie est, par essence, non consensuelle, ni éthique ou négociée, et que la monogamie l’est par défaut. Pourtant, on sait que ce ne sont pas toutes les relations – peu importe leur configuration – qui sont saines. 

Afin de m’éloigner de ce double standard et de normaliser les relations non monogames, j’utiliserai le terme « non-monogamie », tout simplement, pour les désigner. 

Pour mieux comprendre les différentes configurations de relations non monogames, consulte notre article sur le sujet.

1. « Les personnes non monogames ne seront jamais aussi heureuses que les personnes en relation monogame. »

L’une des croyances que j’ai le plus vue circuler en ligne est celle selon laquelle les personnes en relation non monogame seraient malheureuses. On imagine que personne de sensé·e ne s’engagerait dans ce type de relation de plein gré, ou qu’on le ferait à la demande d’un·e partenaire uniquement pour acheter la paix (Séguin, 2019). Pourtant, la recherche montre que les relations monogames ne sont pas forcément de meilleure qualité que les relations non monogames.

Non seulement on documente des niveaux élevés d’intimité et de satisfaction sexuelle et relationnelle chez les gens en relations non monogames (Conley et al., 2018; Mitchell et al., 2014; Séguin et al., 2017; Træen & Thuen, 2022), mais la majorité des études ne montre aucune différence entre les personnes monogames et les personnes non monogames à l’égard du niveau d’engagement, de confiance, d’intimité, d’équité, de santé et de bonheur (Fleckenstein & Cox, 2015; Hosking, 2013; LaSala, 2004; Rubel & Bogaert, 2015; Séguin et al., 2017). 

En partie, le bonheur en relation dépend du consentement des partenaires : quand il y a un consentement mutuel à l’idée d’être dans une relation non monogame et qu’on se sent à l’aise vis-à-vis de notre entente relationnelle, ça va généralement mieux que lorsqu’on s’y engage à contrecœur (Hangen et al., 2020).

2. « Les personnes non monogames vivent plus de jalousie que les personnes monogames. »

Puisque les personnes non monogames s’exposent potentiellement à davantage de situations susceptibles de provoquer de la jalousie, on pourrait croire qu’elles éprouvent plus souvent ce sentiment que les personnes monogames. Cependant, des études récentes montrent le contraire : les personnes non monogames vivent moins de jalousie que les personnes monogames (Balzarini et al., 2021; Mogilski et al., 2019). 

Pourquoi? Parce qu’elles sont, en moyenne, mieux outillées à gérer la jalousie ou qu’elles ont envie d’apprendre à mieux la gérer plutôt que de la prendre pour un fait immuable ou l’expression de leur amour. Comparées aux personnes monogames, les personnes non monogames sont plus susceptibles :

  • d’avoir un style d’attachement sécurisant (Moors et al., 2015);
  • de percevoir la jalousie comme une émotion normale, mais surmontable (Mint, 2010);
  • de voir la jalousie comme une opportunité d’introspection et de croissance personnelle (de Visser et McDonald, 2007);
  • de prioriser des stratégies de résolution de problèmes positives, c’est-à-dire centrées sur les compromis et la négociation, et à être moins portées à éviter le conflit (Brooks et al., 2022).

Effectivement, bien que la jalousie soit une émotion hyper désagréable, on ne devrait pas en avoir peur. Comme toute émotion négative, le monstre aux yeux verts joue un rôle crucial dans notre vie : il nous alerte ou nous informe que nous avons un besoin qui n’est pas comblé dans le moment présent. 

Une personne qui ressent de la jalousie à l’idée que son ou sa partenaire fréquente une autre personne pourrait, par exemple, chercher à combler un besoin de connexion émotionnelle, de valorisation, d’amour, de réconfort ou encore de compréhension.

En mettant le doigt sur le besoin non comblé qui se cache derrière notre émotion, il devient généralement plus facile de comprendre notre réaction et de communiquer avec notre partenaire pour arriver à une solution qui n’implique pas de tenter de contrôler avec qui il ou elle souhaite vivre des relations.

Le Club Sexu offre une formation sur la communication empathique qui aborde justement l’identification des besoins qui se cachent sous des émotions comme la jalousie!

Ceci étant dit, plusieurs personnes en relations non monogames vivent ce qu’on appelle la compersion, une émotion qui est souvent définie comme étant l’opposé de la jalousie.

Plus spécifiquement, la compersion est l’émotion positive qu’un individu peut ressentir à l’égard des relations que son, sa ou ses partenaire·s vivent avec d’autres partenaires (Hypatia from Space, 2017). On peut, par exemple, ressentir du bonheur à l’idée que notre partenaire soit heureux·se dans une nouvelle relation amoureuse, de l’excitation à l’idée qu’il ou elle explore des nouvelles connexions, ou encore de l’excitation sexuelle à l’idée qu’il ou elle ait des relations sexuelles avec autrui (Flicker et al., 2021).

3. « Les personnes en relations non monogames ont toutes ou vont toutes avoir une ITSS. »

Le peu de recherches ayant comparé les taux d’infections transmissibles sexuellement et par le sang (ITSS) des gens en relation monogame à ceux des gens en relation non monogame suggère que le risque de transmission des ITSS est plus élevé en contexte monogame (wait, what?). Alors que les personnes non monogames ont, en moyenne, plus de partenaires sexuel·le·s au cours de leur vie que les personnes monogames, elles reçoivent autant de diagnostics positifs d’ITSS que ces dernières (Lehmiller, 2015).

Autrement dit, les individus en relation non monogame ont contracté moins d’ITSS par partenaire sexuel·le que les individus en couple monogame. Oui, oui, tu as bien lu! 

Cette tendance pourrait s’expliquer par le fait que : 

  1. La monogamie, telle qu’on la pratique aujourd’hui, n’est pas une stratégie efficace de prévention contre les ITSS (par exemple, on a tendance à avoir des relations sexuelles avant d’être « officiellement » exclusif·ive·s et à arrêter d’utiliser des condoms ou des carrés de latex quand on veut établir un lien de confiance et augmenter l’intimité ou quand on se croit safe plutôt qu’après avoir eu une discussion franche sur sa santé sexuelle et s’être fait dépister) (Conley et al., 2020);
  2. Les personnes en relation monogame sont moins susceptibles d’utiliser une méthode de protection avec leurs autres partenaires (pendant une infidélité) et moins susceptibles de se faire dépister que les personnes en relation non monogame (Conley et al., 2012). 

Eh oui, l’infidélité, l’éléphant dans la pièce, est un comportement relativement commun et il introduit un risque de contracter une ITSS. Selon une étude, 21,2 % à 31,8 % des femmes et 36,6 % à 52,8 % des hommes en relation monogame ont déjà pris part à des activités sexuelles comportant un risque de transmission d’ITSS (sexe oral, pénétration anale, etc.) avec une autre personne que leur partenaire de couple (Luo et al., 2010).

C’est vrai que si on n’a aucun contact sexuel avec autrui, le risque de contracter une ITSS est à zéro. Cependant, ce qui nous expose à un risque de contracter une ITSS quand on est sexuellement actif·ive·s, c’est plus le fait de ne pas utiliser de protection ou de ne pas se faire dépister plutôt que d’avoir plusieurs partenaires.

4. « La non-monogamie est correcte, tant que les personnes impliquées n’ont pas d’enfants. »

On pense que la non-monogamie est néfaste pour le bien-être des enfants parce qu’on croit qu’ils et elles seraient exposé·e·s à la vie sexuelle de leurs parents, ce qui les mélangerait et les troublerait (Alarie et Bosom, 2022). On pense aussi que de telles relations mènent inévitablement à la rupture – ya know, à cause de toute la jalousie et du manque de « vrai » amour et d’engagement – ce qui, à son tour, se traduirait par des foyers instables et des familles « brisées  » (Séguin, 2019). 

Pourtant, les parents polyamoureux rapportent plusieurs bienfaits du polyamour dans leur famille (Alarie et al., 2021; Alarie et Bosom, 2022; Sheff, 2014) :

  • une plus grande proximité émotionnelle avec leurs enfants en raison de la promotion d’une communication ouverte et transparente;
  • plus de ressources partagées (financières, émotionnelles, etc.);
  • plus de temps seul·e et de loisir en raison de la possibilité de répartir les responsabilités parentales parmi plusieurs adultes;
  • une plus grande attention aux enfants en raison de la disponibilité de multiples adultes;
  • pour les enfants, des modèles plus positifs qui communiquent, négocient et qui ont des compétences et des intérêts variés.

En revanche, quand ça va moins bien dans les familles polyamoureuses, c’est souvent parce qu’elles font face à plusieurs défis sociaux et légaux, reliés notamment à la stigmatisation sociale, à l’accès au mariage et aux privilèges qui y sont associés comme aux régimes d’assurance maladie, aux déductions fiscales, à la propriété partagée, à la reconnaissance parentale, à la garde d’enfants et à l’héritage. En fait, le stigmate lié à la non-monogamie est si grand que plusieurs de ces familles ressentent une pression à tendre vers la perfection, par peur qu’on attribue quelconque erreur ou problème à la non-monogamie ou pour éviter de se faire dénoncer à la DPJ (Allarie et Bosom, 2022).

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Je brosse peut-être un beau portrait tout rose des relations non monogames dans cet article, mais attention, ces résultats ne signifient absolument pas que la non-monogamie est supérieure à la monogamie. Ces deux modèles relationnels sont valides.

Cela ne signifie pas non plus que tu devrais être en relation non monogame ou que tu devrais au moins essayer de l’être.

Tout comme le couple et la monogamie, la non-monogamie n’est pas pour tout le monde, et c’est ben correct. 

L’important, c’est d’être fidèle à soi-même et d’écouter ses besoins et ceux de son, sa ou ses partenaire·s, et de garder à l’esprit que toute relation intime, peu importe sa configuration, évolue à travers le temps et nécessite soins et travail. 

Aussi, étant donné que les relations intimes, nos désirs et nos besoins sont complexes, fluides et dynamiques, c’est tout à fait possible – même normal – de changer d’idée à l’égard de la (non-)monogamie au cours de notre vie. Changer d’avis à propos de notre configuration relationnelle ne signifie pas qu’on est « confus·e » ou un·e imposteur·e de la (non-)monogamie, ou que les pratiques ou configurations relationnelles qu’on laisse derrière soi sont mauvaises ou non naturelles. Laissons-nous évoluer librement dans nos relations.

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    Alarie, M. et Bosom, M. (2022). Les représentations de la non-monogamie consensuelle : perceptions des parents polyamoureux ou en couple ouvert canadiens. Genre, sexualité & société, (27). https://doi.org/10.4000/gss.7310

    Balzarini, R. N., McDonald, J. N., Kohut, T., Lehmiller, J. J., Holmes, B. M. et Harman, J. J. (2021). Compersion : When jealousy-inducing situations don’t (just) induce jealousy. Archives of Sexual Behavior, 50(4), 1311-1324. https://doi.org/10.1007/s10508-020-01853-1

    Brooks, T. R., Shaw, J., Reysen, S. et Henley, T. B. (2022). The vices and virtues of consensual non-monogamy : A relational dimension investigation. Psychology & Sexuality, 13(3), 595-609. https://doi.org/10.1080/19419899.2021.1897034

    Club Sexu. (2021). ITSS et dépistage : Sondage sur l’impact de la campagne du DépistaFest 2021. [Rapport interne non publié].

    Conley, T. D. et Piemonte, J. L. (2020). Monogamy as public policy for STD prevention : In theory and in practice. Policy Insights from the Behavioral and Brain Sciences, 7(2), 181-189. https://doi.org/10.1177/2372732220943228

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    Conley, T. D., Moors, A. C., Ziegler, A. et Karathanasis, C. (2012). Unfaithful individuals are less likely to practice safer sex than openly nonmonogamous individuals. The Journal of Sexual Medicine, 9(6), 1559-1565. https://doi.org/10.1111/j.1743-6109.2012.02712.x

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    Hangen, F., Crasta, D. et Rogge, R. D. (2020). Delineating the boundaries between non-monogamy and infidelity : Bringing consent back into definitions of consensual non-monogamy with latent profile analysis. The Journal of Sex Research, 57(4), 438-457. https://doi.org/10.1080/00224499.2019.1669133

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    Séguin, L. J. (2019). The good, the bad, and the ugly : Lay attitudes and perceptions of polyamory. Sexualities, 22(4), 669-690. https://doi.org/10.1177/1363460717713382

    Séguin, L. J., Blais, M., Goyer, M. F., Adam, B. D., Lavoie, F., Rodrigue, C. et Magontier, C. (2017). Examining relationship quality across three types of relationship agreements. Sexualities, 20(1-2), 86-104. https://doi.org/10.1177/1363460716649337

    Sheff, E. (2010). Strategies in polyamorous parenting. Dans M. Barker et D. Langdridge (dir.), Understanding non-monogamies (p. 169-181). Routledge.

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