Illustration de deux personnes enlacées. En plus petit
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Pourquoi une personne sur deux est infidèle?

Tu as passé toute la journée à la maison à travailler dans ton petit bureau. Le silence et la solitude sont plus lourds aujourd’hui parce que ton chum a dû se rendre au bureau (son vrai), te laissant seule avec les minous. Ton ventre gargouille. L’heure du souper approche à grands pas. Ton chum devrait arriver à la maison d’ici une demi-heure, et tu décides de le surprendre en commandant une pizza aux fruits de mer de la pizzeria du coin, votre take-out favori. Il va être tellement content lorsqu’il va remarquer la fameuse boîte de pizz sur le comptoir, une longue journée dans le corps!

En sortant pour aller la chercher au resto, tu enfiles son coton ouaté. C’est en plongeant les mains dans ses poches que tu découvres un petit bout de papier avec un numéro de téléphone et un prénom féminin que tu ne reconnais pas. Les doutes et les questions se mettent à s’empiler dans ta tête. Qui est cette personne? Pourquoi ne m’a-t-il jamais parlé d’elle? Est-ce que son numéro de téléphone est sur un bout de papier parce qu’il ne veut pas le rajouter dans son cell? A-t-il peur que je le trouve dans ses contacts? Me cache-t-il quelque chose? La fréquente-t-il dans mon dos ? Est-ce que je suis parano pour rien?


L’infidélité est probablement un des pires cauchemars du domaine des relations amoureuses, bien qu’on pense rarement que notre partenaire nous trompera – ou vice versa. Au début de l’année 2020, le Club Sexu avait publié un sondage sur les réseaux sociaux auquel 2 530 abonné·e·s avaient participé. Selon les données du sondage, 57 % des hommes, 57 % des personnes 🌈 et 48 % des femmes ont admis avoir déjà trompé un ou une partenaire!

Il est difficile d’affirmer que les abonné·e·s du Club Sexu sont plus – ou moins – infidèles que d’autres groupes de personnes puisque les statistiques des études à ce sujet varient énormément. Selon une recension de 31 études sur l’infidélité, entre 1 % et 86 % des personnes interrogées ont rapporté avoir déjà trompé leur partenaire (Luo et al., 2010). Cet écart immense serait surtout dû au fait que personne n’a la même définition de l’infidélité!

Qu’est-ce que l’infidélité?

Dans notre sondage maison, nous avions présenté une liste de comportements (présentée dans le tableau ci-dessous) en demandant au répondant ou à la répondante de sélectionner ceux qu’il ou elle percevait comme une infidélité.

Les résultats montrent que plus de personnes considèrent que les comportements sexuels constituent des actes d’infidélité comparativement aux comportements affectifs ou non sexuels. Nos analyses montrent également que les hommes, les personnes 🌈 et les personnes qui ont déjà trompé leur partenaire sont généralement moins susceptibles de considérer n’importe quel geste de la liste comme une infidélité que les femmes et les personnes qui n’ont jamais été infidèles.

Ce qu’il est également intéressant de noter, c’est qu’aucun comportement n’est perçu par 100 % ni 0 % des gens comme étant une infidélité, ce qui suggère qu’il n’existe pas de consensus universel sur la définition de l’infidélité.

Cela veut aussi dire qu’il est important d’en parler avec son ou sa partenaire en début de relation, qu’on soit en relation monogame ou non monogame consensuelle, afin d’établir clairement ce que veut dire être fidèle (et infidèle!) pour nous. Cette conversation peut parfois être un peu awkward, mais elle en vaut immensément la peine parce qu’elle pourrait prévenir des malentendus et des cœurs brisés dans le futur.

À ton avis, dans une relation amoureuse monogame, quels gestes constituent une infidélité? 

Comportement% des participant·e·s qui trouvent que « ça compte » comme une infidélité
Liker « trop » de photos d’une autre personne  7 %
« Trop » texter une autre personne20 %
Penser énormément à une autre personne28 %
Partager une chambre d’hôtel avec une autre personne33 %
Penser à une autre personne durant l’acte39 %
Danser langoureusement avec une autre personne44 %
Flirter avec une autre personne47 %
Embrasser une autre personne76 %
Prendre une douche avec une autre personne82 %
Sexter une autre personne83 %
Avoir un rapport oral ou des attouchements avec une autre personne89 %
Avoir un rapport génital ou anal avec une autre personne89 %

Pourquoi les gens trompent-ils leur·s partenaire·s?

On a tendance à penser que l’infidélité est le résultat d’une insatisfaction ou d’une incompatibilité dans la relation. Parfois, c’est en plein ça et, selon plusieurs études, cette raison est rapportée par plus de femmes que d’hommes (Mark et al., 2011; Nicholls, 2008). Mais souvent, la réalité est plus nuancée. On peut être infidèle tout en étant satisfait·e de sa relation et en étant amoureux·euse de son ou sa partenaire.

Par exemple, on peut développer un crush sur un·e ami·e de qui on se sent proche (Halatsis et Christakis, 2009) – ou même sur l’ami·e de son partenaire (Northup et al., 2013) –, que l’on passe à l’action ou non.

Dans d’autres cas, on trompe son ou sa partenaire parce qu’on est en quête de découvertes ou en exploration de son identité (Perel, 2017). Il arrive parfois que l’on s’ennuie de qui on était il y a 2, 5 ou 10 ans et que l’on veuille retrouver cette ancienne identité.

En revanche, il peut aussi arriver d’être « tanné·e » de la personne que l’on est actuellement et de partir à la recherche d’un nouveau soi. On se sent différent·e avec chacune des personnes avec qui on interagit parce que chaque dynamique, amitié et relation est différente. En interagissant avec Arnaud, il se peut qu’on se sente plus aventureux ou aventureuse que quand on passe du temps avec Jessica. Avec Fatma, il se peut qu’on se sente plus intéressant·e et créatif ou créative qu’avec Théo.

Parfois on se rend compte de ces différents « soi » et on se met alors à cultiver des identités – et donc des relations – qui nous plaisent, lesquelles ne sont pas toujours rattachées à notre partenaire actuel·le.

Cette dernière raison – la découverte et l’expansion de soi – peut être perturbante pour plusieurs d’entre nous, parce qu’elle dépeint une réalité qui contredit fortement notre croyance culturelle sur la romance : plusieurs personnes sont infidèles même si elles sont heureuses dans leur relation.

Cela peut être un peu insécurisant parce que cela signifie que notre partenaire est imprévisible et qu’il n’y a parfois rien que l’on puisse faire pour l’empêcher d’être infidèle. Mais aussi, cette raison implique que son infidélité n’a sûrement rien à voir avec nous.

Donc, une personne peut être infidèle parce que :

  • Elle vit une insatisfaction ou une incompatibilité sexuelle ou relationnelle;
  • Elle a développé un intérêt sexuel ou romantique envers un·e ami·e à travers le temps;
  • Elle est en quête de découvertes et en exploration de son identité.

Pourquoi les infidélités sont-elles si douloureuses?

Une fois découverte, une infidélité est souvent vécue comme un événement traumatisant et déstabilisant parce que :

  • Elle éveille en nous plusieurs peurs et insécurités, en plus de questionnements importants sur notre valeur perçue et sur celle de notre partenaire, ainsi que sur la nature même de notre relation. Par exemple : « M’a-t-elle trompé·e parce que je suis moche? »; « S’il m’a trompé·e, c’est que c’est une mauvaise personne »; « Si elle m’a menti là-dessus, sur quoi d’autre me ment-elle? »; « Notre relation est-elle fondée sur des faussetés? »
  • Elle est enveloppée de mensonges et de cachotteries, ce qui nous empêche de combler plusieurs besoins fondamentaux comme la transparence, l’authenticité, la confiance, l’intimité et la prévisibilité.
  • Elle nous confronte au fait qu’il existe une ou plusieurs facettes de notre partenaire qui nous sont inconnues. Parce que dans notre culture, la relation amoureuse est fondée sur l’intimité et le dévoilement de soi mutuel, un secret de cette nature peut être vécu comme un affront personnel ou même comme une trahison.

Une relation peut-elle survivre à une infidélité et en sortir grandie?

La guérison après une infidélité est absolument possible. Cependant, cela demande un travail de la part des deux partenaires et pas seulement de la part de la personne qui a été infidèle.

Une grande partie du travail implique de cultiver de l’empathie et de communiquer de manière non violente ses émotions et ses besoins afin de mieux se comprendre et de trouver des pistes de solutions concrètes. Chez la personne qui a été infidèle, l’empathie permet de comprendre la douleur de l’autre ainsi que ses besoins de prévisibilité, de confiance et de connexion authentique. Chez l’autre partenaire, l’empathie peut aider à voir l’infidélité non comme une trahison intentionnelle, mais plutôt comme un rapprochement avec une autre personne ou comme une tentative de combler des besoins identitaires, de valorisation de soi, d’exploration ou de connexion.

Il peut être très difficile et même contre-intuitif de ne pas se sentir personnellement visé par l’infidélité, mais il faut se rappeler que l’infidélité de son ou sa partenaire n’a souvent aucun rapport avec soi et que, par exemple, vouloir vivre un moment d’intimité avec une autre personne ne veut pas systématiquement dire que notre partenaire n’a pas envie d’intimité avec nous; ces désirs ne sont pas mutuellement exclusifs.

Bien que l’infidélité puisse être une expérience bouleversante, elle offre des avenues potentiellement positives en ouvrant la porte à :

  • Un wake-up call érotique et intime au sein de la relation;
  • Une meilleure et une plus grande communication, ce qui peut à son tour mener à…
    • Plus de partage et de connexion émotionnelle;
    • Une meilleure ou une nouvelle compréhension de l’autre ou de soi-même;
    • De la nouveauté entre les partenaires;
    • La possibilité de renouveler la passion;
    • Réévaluer la nature de sa relation ou son entente relationnelle.

Bref, une infidélité n’implique pas systématiquement la fin d’une relation. Avec les bons outils tels que l’honnêteté, la transparence et l’empathie, non seulement une relation peut « survivre » à une infidélité, mais les partenaires peuvent également en ressortir plus épanoui·e·s.

Cela dit, mieux vaut prévenir que guérir: quand on a une insatisfaction dans notre relation ou un désir d’exploration et de connexion avec une autre personne, c’est toujours mieux d’en parler avec notre partenaire. Refouler ce genre de chose peut non seulement mener à du ressentiment, mais également à une distance émotionnelle entre nous et notre partenaire et, you guessed it, à une infidélité.

Enfin, même si une relation peut bien traverser une infidélité, la réconciliation et le rétablissement de la confiance entre les partenaires n’est pas toujours possible. Parfois, mettre fin à la relation est la meilleure chose à faire, et c’est à chaque personne de décider ce qui est le mieux pour elle.


Tu attends, assise dans la cuisine, la pizz toujours dans sa boîte en train de refroidir lentement sur le comptoir. Il a 15 minutes de retard. Ça t’inquiète et les doutes continuent à se multiplier dans ta tête.

Tu entends finalement la porte d’entrée s’ouvrir. Ton chum dépose son sac et enlève ses chaussures. Son visage s’illumine soudainement en apercevant la boîte portant le logo de votre resto préféré.

« Yay! Oh my god que je suis content de voir ça – et toi! J’ai eu une journée de marde. Félix a quitté la compagnie, pis ma boss m’a transféré la plupart de ses projets. J’sais pas comment je vais faire. Pis en plus, je viens d’aller chercher mes pantalons chez la couturière et elle les a beaucoup trop raccourcis!

– Quelle couturière?

– Elle s’appelle Juliette. Un ami me l’a recommandée récemment. »

Juliette. Soulagement.

Le nom sur le bout de papier.

  • Halatsis, P. et Christakis, N. (2009). The challenge of sexual attraction within heterosexuals’ cross-sex friendship. Journal of Social and Personal Relationships, 26(6-7), 919-937. https://doi.org/10.1177/0265407509345650

    Luo, S., Cartun, M. A. et Snider, A. G. (2010). Assessing extradyadic behavior: A review, a new measure, and two new models. Personality and Individual Differences, 49(3), 155-163. https://doi.org/10.1016/j.paid.2010.03.033 

    Mark, K. P., Janssen, E. et  Milhausen, R. R. (2011). Infidelity in heterosexual couples: Demographic, interpersonal, and personality-related predictors of extradyadic sex. Archives of sexual behavior, 40(5), 971-982. https://doi.org/10.1007/s10508-011-9771-z 

    Nicholls, L. (2008). Putting the New View classification scheme to an empirical test. Feminism & Psychology, 18(4), 515-526. https://doi.org/10.1177/0959353508096180

    Northrup, C., Schwartz, P. et Witte, J. (2013). The normal bar: The surprising secrets of happy couples and what they reveal about creating a new normal in your relationship. Harmony.

    Perel, E. (2017) The state of affairs: Rethinking infidelity. Harper Collins.

    Rosenberg, M. (2015). Nonviolent Communication: A Language of Life. Puddle Dancer Press.