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Chemsex 101 : plaisirs décuplés, pratique risquée?

Résumé

Le chemsex, c’est quoi et qu’est-ce que ça implique? Qu’est-ce qui distingue le Party and Play des autres formes de consommation sexualisée? Est-ce que ça peut avoir des impacts négatifs? On démystifie tout ça!

Cet article est présenté par CATIE, la source canadienne de renseignements sur le VIH et l’hépatite C.

Le chemsex, qu’on appelle aussi Party and Play ou PnP, est une pratique sexuelle touchant particulièrement les hommes de la diversité sexuelle, mais aussi les personnes trans et les personnes non binaires (Gaudette et al., 2022; Stuart, 2019). Depuis quelque temps, on en parle de plus en plus dans les médias traditionnels, mais aussi dans nos communautés.


Mais qu’est-ce que ça implique, au juste, le chemsex? Qu’est-ce qui distingue le Party and Play des autres formes de consommation sexualisée? Est-ce que ça peut avoir des impacts négatifs, entre autres sur la santé sexuelle?

Pour le plaisir, mais pas que

Le chemsex concerne la consommation de substances psychoactives spécifiques en contexte sexuel, soit la méthamphétamine en cristaux (crystal meth), le GHB ainsi que la kétamine (Giorgetti et al., 2017; Stuart, 2019).

Il est important de noter que les substances associées au chemsex ne sont pas nécessairement les mêmes d’un endroit à l’autre, d’une culture à l’autre. Par exemple, dans certains pays d’Europe, la méphédrone, une nouvelle drogue de synthèse, est centrale à la pratique du chemsex.

Au Québec, c’est le crystal meth qui est la substance la plus intimement associée à cette pratique.

Pourquoi les gens choisissent-ils de s’adonner au chemsex? Sans grande surprise : pour le plaisir. La consommation des substances énumérées ci-dessus permettrait d’accentuer les sensations corporelles, de prolonger les relations sexuelles, de rejoindre plus de partenaires et d’explorer sa subjectivité sexuelle, notamment en expérimentant de nouvelles pratiques (Lafortune et al., 2021; Race, 2018). 

Sauf que, halte-là! Le chemsex ne se réduit pas au plaisir sexuel. Les personnes qui le pratiquent disent aussi éprouver du plaisir à entrer en relation avec les autres, en ayant la possibilité de s’ouvrir, de discuter et de ressentir une connexion profonde avec leurs partenaires (Lafortune et al., 2021). 

Le chemsex, une pratique sous-culturelle?

Évidemment, les personnes hétérosexuelles consomment aussi des substances psychoactives en contexte sexuel, mais des distinctions culturelles différencient le chemsex des autres formes de consommation sexualisée (Florêncio, 2021; Møller, 2020). 

On peut penser à certains espaces traditionnellement associés aux hommes gais et bisexuels, comme les saunas, où la pratique du chemsex est plus accessible. Selon le témoignage des personnes s’adonnant au PnP, ou s’y étant adonnées par le passé, il est commun d’entendre que l’initiation à la consommation de crystal meth s’est effectuée dans un sauna gai, ou encore que la fréquentation de cet espace était régulière pour s’adonner au chemsex

Les espaces virtuels ont aussi contribué à rendre le chemsex plus populaire auprès des hommes queers. Depuis le début des années 2000, des sites Web et des applications de rencontre – on pense à BBRT et plus récemment Grindr – ont facilité l’organisation de sessions de chemsex, et la recherche de partenaires sexuel·le·s potentiel·le·s (Race, 2018). Sur Grindr, il est assez commun de se faire proposer de la « Tina », ou de se faire envoyer « PnP? » en guise de message.

Concernant les substances consommées par les personnes pratiquant le chemsex et les personnes hétérosexuelles lors de relations sexuelles, les distinctions sont frappantes, particulièrement lorsqu’on s’attarde à la consommation de crystal meth.

Au Québec, le crystal meth est consommé par moins de 1 % de la population (Institut de la statistique du Québec, 2016). En comparaison, selon différentes études, entre 5,8 % et 8 % des hommes de la diversité sexuelle auraient consommé du crystal meth dans les six derniers mois (Brogan et al., 2019; Community-Based Research Centre, 2021). Les données sont manquantes pour les personnes trans et non binaires, mais les recherches qualitatives démontrent bien qu’elles sont concernées par le chemsex (Gaudette et al., 2022; Pires et al., 2022).

Bref, l’idée n’est pas de nier que toute personne peut être concernée par la consommation de crystal meth et des substances associées au chemsex. Toutefois, si on souhaite offrir du soutien culturellement adapté (et oui! on le souhaite), il est important de reconnaître que cette pratique concerne tout particulièrement les communautés de la diversité sexuelle et de genre. 

Des conséquences à ne pas minimiser

Comme mentionné plus tôt, la recherche de plaisir est centrale à la pratique du chemsex. Cependant, il ne faut pas négliger les impacts physiques, psychologiques, sociaux et sexuels possibles, particulièrement quand la pratique s’étire dans le temps et que la fréquence s’intensifie. 

Sur le plan psychologique, on parle surtout de symptômes anxio-dépressifs, mais aussi de symptômes psychotiques, tels que de la paranoïa (Bourne et al., 2015; Moreno-Gámez et al., 2022). Quand le chemsex commence à prendre trop de place, ça peut aussi se traduire par de l’isolement et de la solitude, alors qu’il devient difficile de maintenir les liens avec ses ami·e·s, sa famille, ses proches (Bourne et al., 2015; Community-Based Research Centre, 2021). 

Aussi, la pluralité des partenaires sexuel·le·s et les sessions de Party and Play s’étirant sur plusieurs heures, voire plusieurs jours, peuvent affecter la santé sexuelle. Mis à part le risque de contracter des infections transmissibles sexuellement et par le sang (ITSS; Anato et al., 2022), certaines personnes se disent insatisfaites de leur vie sexuelle après leur période de consommation (Smith et Tasker, 2018). Parfois, un travail sur soi est nécessaire pour bien se réapproprier sa sexualité, redéfinir ses besoins et ses limites. 

Quand on parle de chemsex, on ne peut pas éviter la discussion sur le virus de l’immunodéficience humaine (VIH); les personnes séropositives étant surreprésentées parmi les personnes pratiquant le chemsex Strong et al., 2022; Community-Based Research Centre, 2021). Ce n’est un secret pour personne, le port du condom devient assez souvent facultatif en contexte de chemsex (Maxwell et al., 2019). Ainsi, si une personne n’a pas accès à la PrEP (une médication pour prévenir le VIH) ni au dépistage du VIH et à son traitement, cela peut accroître le risque de transmission (Grov et al., 2020). 

Plus tôt une personne connaît son statut sérologique (statut VIH), mieux c’est! Seul un test de dépistage permet de savoir si une personne a le VIH.

Il est désormais possible de faire un test de dépistage du VIH soi-même, chez soi, et d’obtenir le résultat en l’espace d’une minute. La trousse d’autotest du VIH est gratuite et simple à utiliser.

Quelques trucs pour une pratique du chemsex plus sécuritaire

Il faut toujours considérer les conséquences potentielles lorsqu’on aborde le chemsex… tout en gardant en tête que ce n’est pas tout le monde qui souhaite arrêter ou qui en a la possibilité à un moment donné. 

Dans le cadre du projet PnP dans la diversité de la Chaire de recherche du Canada TRADIS (trajectoires, diversité, substances), les personnes rencontrées ont dit mettre en place des stratégies pour minimiser les risques associés à leur consommation et leur sexualité. On s’inspire de ces stratégies nommées par la communauté pour établir quelques recommandations afin d’avoir une pratique de chemsex plus sécuritaire. 

1. Optimiser sa santé sexuelle par un suivi régulier avec des professionnel·le·s 

Avoir un suivi avec des professionnel·le·s de la santé qui connaissent les enjeux associés au chemsex peut évidemment faire une grande différence. Ces prestataires de soins de santé fournissent de l’information et des ressources afin de favoriser des relations sexuelles plus sécuritaires et une utilisation de drogues à moindres risques. Par exemple, l’accès au dépistage des ITSS à une fréquence adaptée à ses besoins ainsi que la prise de la PrEP peuvent minimiser les répercussions sur la santé sexuelle pour soi, mais aussi pour ses partenaires. 

Malheureusement, l’accès à ces services peut être difficile pour les personnes qui ne peuvent se permettre une dépense supplémentaire tous les mois, ou encore pour les personnes qui ne sont pas couvertes par la RAMQ. Disons qu’on attend avec impatience l’accès à la PrEP simple, rapide et gratuit! 

2. S’assurer qu’on est à l’aise et bien entouré·e, afin de se sentir plus en sécurité 

Le chemsex, ça ne se pratique pas juste dans les saunas : ça se passe aussi dans des lieux plus privés. Plusieurs personnes disent qu’elles préfèrent consommer uniquement chez elles, ou chez leurs partenaires régulier·ère·s.

S’en tenir à des lieux connus permet un meilleur contrôle de son environnement, ce qui se traduit par un sentiment de sécurité. Et consommer principalement avec des partenaires régulier·ère·s favorise le développement d’une relation de confiance : il devient alors plus facile d’établir des limites communes, de se respecter dans sa sexualité. 

3. Réfléchir à ses limites, en établir… et les maintenir!

Se mettre des limites relativement au chemsex, c’est possible. Par exemple, plusieurs personnes vont réserver des moments spécifiques à cette pratique afin de minimiser les potentielles répercussions sociales et professionnelles. D’autres personnes vont faire l’autogestion de leur consommation, en effectuant un suivi de la quantité consommée. Il est également possible de poser des limites claires relatives aux modes de consommation utilisés. On pense entre autres à certaines personnes qui s’en tiendront à fumer du crystal meth, refusant de consommer la substance par injection, étant donné les risques associés à cette manière de consommer. 

Par contre, le crystal meth est souvent décrit comme une substance psychoactive provoquant un repoussement indéfini des limites, jusqu’à ce qu’elles en viennent à disparaître. Pour réfléchir à ses limites et les renforcer, on peut penser à demander le soutien d’intervenant·e·s, ou encore d’un·e pair·e aidant·e. 

Que ce soit pour un arrêt complet de consommation et du chemsex, pour réfléchir à sa pratique et potentiellement diminuer sa consommation ou connaître des stratégies et du matériel pour une utilisation à moindres risques, une liste de ressources est disponible à la fin de cet article.

Consulte notre article qui présente les témoignages d’Éric et Félix, deux ex-adeptes du chemsex qui nous font part de leur expérience.

  • Anato, J. L. F., Panagiotoglou, D., Greenwald, Z. R., Blanchette, M., Trottier, C., Vaziri, M., … et Maheu-Giroux, M. (2022). Chemsex and incidence of sexually transmitted infections among Canadian pre-exposure prophylaxis (PrEP) users in the l’Actuel PrEP Cohort (2013–2020). Sexually Transmitted Infections, 98(8), 549–556. https://doi.org/10.1136/sextrans-2021-055215

    Bourne, A., Reid, D., Hickson, F., Torres-Rueda, S., Steinberg, P. et Weatherburn, P. (2015). “Chemsex” and harm reduction need among gay men in South London. International Journal of Drug Policy, 26(12), 1171–1176. https://doi.org/10.1016/j.drugpo.2015.07.013

    Brogan, N., Paquette, D., Lachowsky, N., Blais, M., Brennan, D., Hart, T. et Adam, B. (2019). Canadian results from the European Men-who-have-sex-with-men Internet survey (EMIS-2017). Canada

    Communicable Disease Report, 45(11), 271–282. https://doi.org/10.14745/ccdr.v45i11a01
    Community-Based Research Centre. (2021). Supporting gay, bisexual, trans, two-spirit and queer (GBT2Q) people who use crystal methamphetamine in metro Vancouver and surrounding areas. https://www.cbrc.net/supporting_gbt2q_people_who_use_crystal_meth

    Florêncio, J. (2023). Chemsex cultures: Subcultural reproduction and queer survival. Sexualities, 26(5–6), 556–573. https://doi.org/10.1177/1363460720986922

    Gaudette, Y., Flores-Aranda, J. et Heisbourg, E. (2022). Needs and experiences of people practising chemsex with support services: Toward chemsex-affirmative interventions. Journal of Men’s Health, 1, 11. https://doi.org/10.22514/jomh.2022.003

    Giorgetti, R., Tagliabracci, A., Schifano, F., Zaami, S., Marinelli, E. et Busardò, F. P. (2017). When “chems” meet sex: A rising phenomenon called “chemsex”. Current Neuropharmacology, 15(5), 762–770. https://doi.org/10.2174/1570159X15666161117151148

    Grov, C., Westmoreland, D., Morrison, C., Carrico, A. W. et Nash, D. (2020). The crisis we are not talking about: One-in-three annual HIV seroconversions among sexual and gender minorities were persistent methamphetamine users. JAIDS Journal of Acquired Immune Deficiency Syndromes, 85(3), 272–279. https://doi.org/10.1097/QAI.0000000000002461

    Institut de la statistique du Québec. (2016). L’Enquête québécoise sur la santé de la population, 2014-2015 : pour en savoir plus sur la santé des Québécois – Résultats de la deuxième édition. https://statistique.quebec.ca/fr/fichier/enquete-quebecoise-sur-la-sante-de-la-population-2014-2015-pour-en-savoir-plus-sur-la-sante-des-quebecois-resultats-de-la-deuxieme-edition.pdf

    Lafortune, D., Blais, M., Miller, G., Dion, L., Lalonde, F. et Dargis, L. (2021). Psychological and interpersonal factors associated with sexualized drug use among men who have sex with men: A mixed-methods systematic review. Archives of Sexual Behavior, 50(2), 427–460. https://doi.org/10.1007/s10508-020-01741-8

    Maxwell, S., Shahmanesh, M. et Gafos, M. (2019). Chemsex behaviours among men who have sex with men: A systematic review of the literature. International Journal of Drug Policy, 63, 74–89. https://doi.org/10.1016/j.drugpo.2018.11.014

    Moreno-Gámez, L., Hernández-Huerta, D. et Lahera, G. (2022). Chemsex and psychosis: A systematic review. Behavioral Sciences, 12(12), 516. https://doi.org/10.3390/bs12120516

    Møller, K. (2020). Hanging, blowing, slamming and playing: Erotic control and overflow in a digital chemsex scene. Sexualities, 6(28), 909–925. https://doi.org/10.1177/1363460720964100

    Pires, C. V., Gomes, F. C., Caldas, J. et Cunha, M. (2022). Chemsex in Lisbon? Self-reflexivity to uncover the scene and discuss the creation of community-led harm reduction responses targeting chemsex practitioners. Contemporary Drug Problems, 49(4), 434–452. https://doi.org/10.1177/00914509221094893

    Race, K. (2018). The gay science: Intimate experiments with the problem of HIV (1st edition). Routledge.

    Smith, V. et Tasker, F. (2017). Gay men’s chemsex survival stories. Sexual Health, 15(2), 116–122. https://doi.org/10.1071/SH17122

    Strong, C., Huang, P., Li, C.-W., Ku, S. W.-W., Wu, H.-J. et Bourne, A. (2022). HIV, chemsex, and the need for harm-reduction interventions to support gay, bisexual, and other men who have sex with men. The Lancet HIV, 9(10), e717–e725. https://doi.org/10.1016/S2352-3018(22)00124-2

    Stuart, D. (2019). Chemsex: Origins of the word, a history of the phenomenon and a respect to the culture. Drugs and Alcohol Today, 19(1), 3–10. https://doi.org/10.1108/DAT-10-2018-0058