A-t-on moins de désir sexuel pendant la saison froide?

Résumé

Une exploration de la fluctuation du désir au cours de l’année.

Notre désir fluctue-t-il au fil des saisons? Est-ce que la torride chaleur de l’été invite aux galipettes suantes et, au contraire, le givre de la saison froide aux doux tête-à-tête avec son sac magique micro-ondé? Club Sexu enquête trrrrrès sérieusement et dénude chaque saison. 

Hiver : froid dehors, chaud dedans 

L’hiver enveloppe nos corps de son manteau blanc, c’est pas chaud pour la pompe à l’eau. Avec la griffe de la noirceur qui s’installe dès 16 h et qui cause un dérèglement du rythme circadien (notre horloge interne) et de notre humeur, la dépression saisonnière et les troubles affectifs saisonniers font légion en hiver (Patten et al., 2017). Ils sont d’ailleurs généralement associés à une baisse notable de la libido (Goncalves et al., 2023). 

Maaaaaais, l’hiver rime aussi avec le long congé des fesses… heu, des Fêtes. Ce qui veut dire qu’on a généralement plus de temps pour faire des galipettes loin des obligations du travail. 

Dans un rapport sorti en 2011, l’Institut national d’études démographiques démontre que, depuis plusieurs années, le jour où l’on dénombre le plus de naissances est le 23 septembre. On sort nos petites calculettes très scientifiques pour reculer de neuf mois dans le temps et… cette date nous ramène au congé des Fêtes, fin décembre. Ça swing la bacaisse entre Noël et le jour de l’An! 

Tout ça s’explique simplement. Selon Wood et ses collègues (2017), nos comportements sexuels et de reproduction sont davantage drivés par la culture, comme l’illustrent l’effet des célébrations culturelles et religieuses et les émotions qu’elles suscitent (le fait d’avoir congé, de se rassembler, de se connecter à quelque chose qui relève de l’amour).

Qu’il fasse chaud ou froid, que ce soit All I Want for Christmas de Mariah Carey ou Don’t Start Now de Dua Lipa qui joue à la radio, les gens semblent avoir davantage envie de galipettes quand ils ont le temps, tout simplement. 

Selon une étude (Markey et Markey, 2012), la vente de condoms connaîtrait une hausse pendant le congé des Fêtes… tout comme les cas positifs d’infections transmissibles sexuellement et par le sang (ITSS) dépistés en janvier et en février. Décidément, il fait plus chaud qu’on ne le pense pendant le grand givre de l’hiver canadien. 

Mais la saison froide n’est pas tout en arc-en-ciel et en gaieté. Janvier est le mois le plus triste pour les couples. Plusieurs avocat·e·s s’entendent pour le dire, janvier est le mois où il y a le plus de séparations et de divorces. Le congé des Fêtes et les moments (obligés) en famille peuvent agir comme un wake up call doux-amer pour plusieurs. 

Printemps : la neige fond, le désir, non 

Libération, libération! La neige fond, les oiseaux gazouillent à nouveau et notre voisin intense sort en shorts et en gougounes dès le 21 mars, annonçant officiellement l’arrivée du printemps. 

Avec la luminosité qui revient dans notre vie et sur notre visage, le corps se remet à sécréter plus de sérotonine, donnant congé à la surabondance de mélatonine de l’hiver (Lambert et al., 2002). Adios fatigue! La lumière influence aussi la production de dopamine, un neurotransmetteur connu pour son rôle dans notre désir sexuel (Meisel et Been, 2019). Le cerveau reçoit alors un message clair comme de l’eau de source pour le désir.

Ce doux regain hormonal peut réveiller nos bobettes et nous donner envie de magasiner des parties de jambes en l’air. L’entreprise d’analyse de données Business of Apps note un sommet d’inscriptions sur les apps de rencontre comme Tinder et Badoo au cours du mois de mai.  

En entrevue avec le magazine Refinery29, la sexologue Holly Richmond souligne que ses patient·e·s semblent particulièrement intéressé·e·s par une relation au printemps. « Ils et elles sont en quête de renouveau et se demandent comment avoir une meilleure vie sentimentale, note-t-elle. Ils et elles ont peut-être vécu une rupture difficile pendant la saison hivernale, et ont pris les mois de janvier et février pour se reposer. » 

La fonte de la neige et la floraison saturent également l’air d’odeurs, dont plusieurs peuvent éveiller des idées coquines en nous. Les corps nouvellement exposés (bye bye North Face, hello tites shorts!) contribuent également à notre éveil sexuel en inondant notre champ de vision de peau et de courbes. Cette nouvelle vigilance olfactive et cette surabondance de signaux érotiques peuvent attiser notre désir comme un bourgeon qui se gorge de soleil. 

Été : de cul-nicule et d’eau fraîche

Illustration par Chaimæ Khouldi

Y fait beau, y fait chaud, sortez vos maillots! 

En 2015, la firme Léger a sondé les Canadien·ne·s afin de savoir quelle était la saison où il s’avérait plus probable que leur fréquence de relations sexuelles soit la plus élevée. À 62 %, l’échantillonnage a répondu en faveur de l’été!

Avec les vacances, le regain d’énergie et les opportunités qui se multiplient (terrasses, festivals, moments au parc et à la plage), l’été semble être une période propice aux rapprochements. 

Le désir de l’été aurait quelque chose de plus évanescent et de moins engageant, d’où l’expression « summer fling », une courte romance d’été qui s’étiole avec l’arrivée du froid. Des chercheuses en sexologie (Macdowall et al., 2008) ont développé ce qu’elles appellent la « summer vacation theory »qui note une différence notoire entre les comportements sexuels des vacances d’été comparativement à ceux des vacances de Noël, pendant l’hiver. 

Les chercheuses ont remarqué que, chez plusieurs jeunes adultes, les premières activités sexuelles survenant en été seraient davantage entre partenaires non romantiques, par rapport aux premières activités qui surviennent pendant le congé des Fêtes, qui, elles, seraient associées à un moment « spécial » et planifié. L’été, les galipettes auraient une vertu plus exploratoire, moins engageante. 

Fun fact : la concentration de sperme serait à son plus bas d’août à octobre à cause de la chaleur. Les terrasses se remplissent, mais les gosses ralentissent. 

Illustration par Chaimæ Khouldi

Automne : testostérone et menottes 

L’automne s’installe pour de vrai. On allume nos thermostats pour la première fois de la saison et l’odeur de poussière brûlée enveloppe nos intérieurs. L’envie de sortir s’effrite tranquillement avec les feuilles sur le trottoir et il en faut de plus en plus pour nous tirer de nos chaumières douillettes vers la cacophonie des bars, où les corps d’inconnu·e·s nous frôlent délicieusement et attisent notre désir. Et quel désir! 

Ben oui! Selon une recherche, plusieurs personnes pourraient ressentir une hausse de désir sexuel en automne à cause d’une augmentation de la testostérone – une hormone associée au désir sexuel chez les hommes cisgenres (Morgentaler, 2013; Rizk et al., 2018) –, une augmentation qui a tendance à se produire avec les feuilles qui tombent. Des chercheur·euse·s norvégien·ne·s et allemand·e·s (Svartberg et al., 2003) ont analysé le taux de testostérone présent dans le corps d’hommes cisgenres pendant différentes périodes de l’année. L’automne leur réservait une surprise à tomber sur le popotin. Roulements de tambour…

C’est pendant la saison du pumpkin spice latte que l’hormone du désir est la plus présente dans notre système! 

On pourrait peut-être considérer que ce véritable boost de l’automne correspond à une réminiscence animale, un peu comme une période de rut transposée chez nous. Grrrr. Les humain·e·s sont des reproducteur·ice·s saisonnier·ière·s et ont un « rythme biologique » qui peak lors de certaines saisons.

Du côté des infidélités, une étude française du site de rencontres Gleeden montre que c’est aux mois d’octobre et de novembre que le taux d’infidélités est à son plus bas. Seulement 12 % des couples vivraient une infidélité en automne comparativement à 39 % pendant l’été. Le froid et le temps maussade nous poussent vers la chaleur humaine durable plutôt que vers des relations pouvant mettre notre relation de couple en péril. Comme le veut l’adage, vaut mieux être mal accompagné·e que seul·e avec son thermostat.  

Le terme « cuffing season », littéralement traduit par la « saison des menottes », a d’ailleurs émergé pour traduire ce phénomène d’attachement saisonnier. L’expression désigne cette période de l’année où les célibataires recherchent activement des partenaires romantiques à court terme avec qui passer les mois les plus froids. De vraies petites chaufferettes de chair à qui passer les menottes jusqu’en mars! 

Des données compilées par Facebook en 2012 (Gorham & Fiore, 2012) illustrent d’ailleurs que les utilisateur·trice·s du réseau social changent davantage leur statut relationnel à en « en couple » entre octobre et février, et un nombre important le changerait à nouveau vers « célibataire » en mars, marquant la fin de la cuffin’ season

Sad reacts only. 

Fun fact : le lundi serait le jour de la semaine où les statuts relationnels changent le plus souvent sur Facebook, à la suite d’un week-end torride… ou terrible. 

Conclusion : le cœur ignore les saisons du cul

Ce petit tour coquin du calendrier proposait de faire ressortir les grands traits de la sexualité nord-américaine au fil des mois de l’année. Bien sûr, des tonnes de facteurs personnels (rupture, état de santé, changement majeur, deuil) et mondiaux (guerre, pandémie, anxiété climatique) peuvent influencer notre désir et amenuiser notre appétit sexuel à tout moment. 

Peu importe le temps qu’il fait deworrrr, nous sommes les meilleur·e·s juges de notre baromètre du désir. Amen! 

  • Goncalves, W. S., Gherman, B. R., Abdo, C. H. N., Coutinho, E. S. F., Nardi, A. E. et Appolinario, J. C. (2023). Prevalence of sexual dysfunction in depressive and persistent depressive disorders : A systematic review and meta-analysis. International Journal of Impotence Research, 35(4), 340–349. https://doi.org/10.1038/s41443-022-00539-7

    Gorham, J., Fiore, A. (2012). The right time for love : Tracking the seasonality of relationship formation. Facebook Data Science. https://www.facebook.com/notes/10158927976413415/ 

    Lambert, G. W., Reid, C., Kaye, D. M., Jennings, G. L. et Esler, M. D. (2002). Effect of sunlight and season on serotonin turnover in the brain. The Lancet, 360(9348), 1840–1842. https://doi.org/10.1016/S0140-6736(02)11737-5

    Macdowall, W., Wellings, K., Stephenson, J. et Glasier, A. (2007). Summer nights : A review of the evidence of seasonal variations in sexual health indicators among young people. Health Education, 108(1), 40–53. https://doi.org/10.1108/09654280810842120 

    Meisel, R. L. et Been, L. E. (2019). Dopamine. Dans A. Lykins (Ed.). Encyclopedia of sexuality and gender. Springer. https://doi.org/10.1007/978-3-319-59531-3_10-1

    Morgentaler, A. (2013). Why men fake it : The totally unexpected truth about men and sex. Henry Holt and Co. 

    Patten, S. B., Williams, J. V. A., Lavorato, D. H., Bulloch, A. G. M., Fiest, K. M., Wang, J. L. et Sajobi, T. T. (2017). Seasonal variation in major depressive episode prevalence in Canada. Epidemiology and Psychiatric Sciences, 26(2), 169–176. 10.1017/S2045796015001183

    Reed, B. G., Bou Nemer, L. et Carr, B. R. (2016). Has testosterone passed the test in premenopausal women with low libido? A systematic review. International Journal of Women’s Health, 599–607. https://doi.org/10.2147/IJWH.S116212

    Rizk, P. J., Kohn, T. P., Pastuszak, A. W. et Khera, M. (2017). Testosterone therapy improves erectile function and libido in hypogonadal men. Current Opinion in Urology, 27(6), 511–515. 10.1097/MOU.0000000000000442

    Svartberg, J., Jorde, R., Sundsfjord, J., Bønaa, K. H. et Barrett-Connor, E. (2003). Seasonal variation of testosterone and waist to hip ratio in men : The Tromsø study. The Journal of Clinical Endocrinology & Metabolism, 88(7), 3099–3104. 10.1210/jc.2002-021878

    van Anders, S. M. (2012). Testosterone and sexual desire in healthy women and men. Archives of Sexual Behavior, 41, 1471–1484. https://doi.org/10.1007/s10508-012-9946-2 

    Wåhlin-Jacobsen, S., Pedersen, A. T., Kristensen, E., Læssøe, N. C., Lundqvist, M., Cohen, A. S., … et Giraldi, A. (2015). Is there a correlation between androgens and sexual desire in women? The Journal of Sexual Medicine, 12(2), 358–373. https://doi.org/10.1111/jsm.12774

     

    Wood, I. B., Varela, P. L., Bollen, J., Rocha, L. M. et Gonçalves-Sá, J. (2017). Human sexual cycles are driven by culture and match collective moods. Scientific Reports, 7(1), 17973. https://doi.org/10.1038/s41598-017-18262-5 

Si la lecture de cet article a titillé ta curiosité, il y a un épisode de notre balado À quoi tu jouis? qui parle de sexualité et de routine.