Quand la tempête s’est invitée dans mon lit

Résumé

Enfilant les rencontres charnelles, Olivier était loin de se douter que son troisième hook-up du jour chamboulerait autant son p’tit cul que son p’tit coeur. Un récit sensible et sensu où deux inconnus se révèlent moins étrangers qu’ils ne l’auraient cru.

On sonne à la porte. Je sais que c’est toi. Une autre transaction charnelle. On s’est entendus que j’allais te topper et qu’on allait prendre ça relaxe, parce qu’on était tous les deux fatigués

Tu es le troisième homme à entrer chez moi aujourd’hui. J’ai donné des pipes dans l’après-midi à deux hommes dont je ne connais ni l’âge ni le nom.

Je ne me souviens déjà plus de leur visage. Mais le tien, je ne l’oublierai jamais. 

Fébrile, je te laisse franchir le seuil de mon appartement. Il fait noir, je distingue à peine ta silhouette. Tu es imposant. J’essaie de deviner tes traits en repassant tes photos dans ma tête. Ta stature m’intimide. J’allume, de sorte que l’entrée devient légèrement tamisée. Ton visage s’illumine, tu me souris. Nerveux, j’arrive à formuler :

— T’es grand, my god!

Ha ha, toi aussi!

— T’es cute avec ta tuque rouge.

Tu enlèves tes bottes et ton manteau couvert par la poudrerie. 

— Tu peux me suivre, voici mon chez-moi.

On traverse le couloir. Le plancher de bois franc craque sous nos pas. Tu détailles la jungle qui pousse dans mon salon et ma cuisine : depuis les monsteras et les pothos qui se rendent au sol jusqu’à mes Adansonii dont tout le monde tombe amoureux.

— T’as un bel appartement. C’est impressionnant, toutes les plantes.

Je rougis. Je n’ai jamais su comment réagir aux compliments. Je me presse de répondre.

— Merci, je viens juste d’emménager il y a à peine deux mois, dis-je en t’amenant jusqu’à ma chambre.

— Wow, t’as vraiment beaucoup de livres. Tu les as tous lus?

J’espère que, si tu détailles le contenu de chaque étage, tu ne remarques pas ma gêne. Ou peut-être que tu fais exprès de regarder ailleurs le temps que mon visage retrouve sa couleur normale. Je réponds en riant :

— Honnêtement? Au moins la moitié. C’est pas mal mon go-to, les livres queer. Comme tu peux voir, j’ai pas encore de base de lit; je lance pour tenter de changer de sujet

Tu finis par déposer tes lunettes sur ma table de chevet. En t’approchant doucement, tu m’enlaces et me regardes dans les yeux.

— Je peux t’embrasser?

À ce moment-là, je réalise que tu ne seras pas comme les autres inconnus d’aujourd’hui. J’ai les genoux en compote tout d’un coup. Tu me prends par surprise. Suis-je tombé sur un romantique?

— C’est rare qu’on me le demande. C’est sûr qu’avec une barbe et un sourire comme le tien, c’est tentant .

Je t’accorde ce premier baiser, qui ne tarde pas à être succédé par d’autres. Nos salives se mélangent l’une à l’autre et nos langues finissent par ne faire qu’une. 

— En passant, t’embrasses bien, me lances-tu.

— C’est quelque chose qui se fait à deux.

— Mmm, vrai… Tu me permets d’enlever ton chandail?

— Seulement si je peux enlever le tien aussi!

Tu fais glisser mes vêtements sur ma peau. Tu t’accroches dans ma lampe plafond et on en rit. On admire le corps qui se trouve devant nous. Deux torses nus, l’un devant l’autre. Nous voilà à effleurer la poitrine poilue de l’autre. Tu me chuchotes :

— T’es beau. Il est joli, ton piercing. Ça fait longtemps que tu l’as?

Tes doigts effleurent mon mamelon percé. Encore une fois, je vis le malaise des compliments. Je ne sais pas comment réagir face à un homme que je trouve de mon goût. Mon intérêt semble réciproque. Je souris en coin et j’acquiesce :

— Ça fait plus d’un an que je me le suis fait faire. Par contre, c’est une no touch zone depuis que j’ai couché avec quelqu’un qui a failli me l’arracher tellement il était énervé.

— Oh! C’est poche ça. Moi, je me suis cassé l’orteil, tu feras attention. 

Tu te mets à genoux. Ton visage est à la hauteur de mon pubis.

— Je peux descendre tes joggings?

— Bien sûr!

En prenant tout ton temps, tu baisses mon pantalon. Mes briefs ne tardent pas à suivre. Je te laisse embrasser mon bas-ventre, puis mes cuisses. Tu frôles tes mains douces sur mon pénis pour le faire grossir. Je le vois se gonfler, puis tu te mets à le déguster. Contrairement à moi qui suçais les hommes de ce matin pour les faire venir ASAP, toi, tu savoures chaque bouchée comme si la nouvelle était meilleure que la précédente.

— Embrasse-moi avant que j’explose dans ta bouche. 

— Je m’excuse, tu goûtes bon.

— Ha ha, merci… I guess? Je peux enlever ton pantalon?

— Oui, oui. Juste, attention à…

​​— L’orteil, je sais. Je vais te laisser enlever tes bas pour éviter d’empirer ton état.

On s’allonge sur mon lit puis je dirige ma tête vers ton entrejambe. Je dépose de petits baisers affectueux sur tes hanches en passant ma langue le long de ton bassin. Ton prépuce commence à dépasser de ton sous-vêtement sur le côté de ta cuisse.

— Ah, bonjour! Est-ce que tu me permets?

Tu souris en hochant la tête.

Je lèche ton gland et descends tes boxers pour avoir une meilleure vue. Je te suce tel un Popsicle en pleine canicule pour ensuite lever tes jambes en l’air. Je plonge ma langue dans ton orifice.

Si j’avais à choisir, j’associerais le goût de ma séance de rimming à la saveur firecracker .

Je reprends mon souffle. Il commence à faire très chaud dans ma chambre.

Ce que je voudrais faire plus longtemps ne dure qu’un instant, car on s’arrête pour s’embrasser, puis se coller face à face, les jambes entrecroisées. Tu étudies mon corps, et avant que je puisse faire dévier ton regard, tu me questionnes :

— T’as combien de piercings?

— J’en ai trois pour l’instant. J’ai un nouveau piercing tous les trois ans, chaque fois que j’ai une rupture significative dans ma vie. C’est mon running gag. J’ai un hélix et celui à mon lobe d’oreille, mon ex trouvait que j’avais l’air d’un pirate. Mon plus récent, c’est mon mamelon. Ça m’a donné un boost de confiance pour me mettre plus souvent en chest.

— Ça te va bien. J’aime ça. Et à côté, comment tu t’es fait ça? Un accident? 

— À côté de mon mamelon? C’est ma cicatrice de quand j’ai eu ma liposuccion à la poitrine.

— Comment ça? 

— J’avais un débalancement d’hormones et je suis allé voir une endocrinologue . Une longue histoire pour dire que j’ai longtemps été complexé physiquement, mais que depuis, je me sens enfin à l’aise d’être sans chandail.

— J’aurais jamais deviné. Mais c’est le fun que tu sois mieux dans ta peau, maintenant.

— Ç’a été un long processus. Mettons que, durant la dernière année, j’ai vraiment appris à apprécier mon corps davantage et à lui donner l’amour dont il avait besoin.

— Je peux toucher?

Tu passes tes doigts sur ma cicatrice. Tu masses mon biceps, puis mon épaule en te promenant d’un muscle à l’autre. On s’attache l’un à l’autre pour un bref moment. Je m’allonge à nouveau et tu recommences à me sucer. Je serre de plus en plus ton corps tout en l’admirant. Je suis sur le bord de venir, mais je me retiens. Je gémis doucement, laissant mon corps frissonner de plaisir. Tu me demandes si je veux venir. J’acquiesce. Tu continues de pomper ma fontaine pour que je jouisse, mais en vain. Je n’y arrive pas. 

Brainfreeze! J’ai une pensée pour celui qui m’a accusé de piraterie. Je me retrouve complètement déconnecté de cette session torride. La vérité, c’est qu’il m’a blessé à maintes reprises et, chaque fois, je revenais quand même vers lui.

Avec le temps, j’ai oublié ce que c’était d’être apprécié sans devoir quelque chose en retour .

Mon ex, à défaut de ne pas réaliser qu’on n’était plus heureux durant nos derniers mois de relation, c’était le seul en qui je cherchais de la validation. Il était mon repère durant chaque tempête; c’est à ce moment que je lâche prise et que son fantôme se perd dans la tempête. Je suis prêt à devenir mon propre phare. Je reprends :

— Je comprends pas pourquoi je mérite toute cette attention.

— Viens ici, mon beau, réponds-tu en me prenant dans tes bras.

Mon humeur a changé, je me fonds à ton corps. Allongé dans tes bras, je regarde dans tes yeux et j’ai l’impression que tu comprends la douleur que j’ai vécu. Tu me serres vraiment fort. La bourrasque se dissipe dans ma tête.

Je me retrouve serein au milieu de cette violente perturbation sentimentale. 

Les yeux fermés, la tête dans le creux de ta clavicule, je me rends compte que c’est ce dont j’ai besoin. J’avais besoin de cet instant de tendresse. De m’arrêter et de me laisser chérir. De me sentir valorisé. De vivre dans le présent et de savoir que je mérite de recevoir cet amour sans craindre d’être menacé qu’il disparaisse. Je finis par verser une larme, qui contraste avec la chaleur de ton corps.

​​— Je m’excuse, je suis tellement plus « donnant » d’habitude, mais là, ça me chamboule que tu sois aussi attentionné .

— J’apprécie tellement l’échange qu’on vit. On est chanceux, tu trouves pas? 

— C’est très rare en effet. Ça faisait longtemps que je n’avais pas vécu quelque chose d’intime comme ça.

— Je te trouve très présent. Tout est dans tes yeux. Je t’en prie, aucune raison de t’excuser. C’est un beau moment partagé.

J’essuie mes larmes. J’imagine qu’on réalise tous les deux qu’on ne revivra jamais cet instant. On se regarde dans les yeux tout en laissant nos doigts tracer les lignes de nos corps. Au bout de quelques minutes, je comprends que je dois te laisser partir.

— Merci pour ce beau moment, lâches-tu avant de franchir le pas de ma porte d’entrée. 

— C’est moi qui te remercie, voyons.

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Si cet article te parle, il y a un épisode de notre balado À quoi tu jouis? entièrement dédié à la rupture amoureuse.