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Dans la culture nord-américaine, on a tendance à attribuer plusieurs bénéfices à la monogamie, dont un risque plus faible – voire inexistant – de contracter une infection transmissible sexuellement (ITSS).
En principe, si l’on se base sur une définition conservatrice de la monogamie, qui serait l’exclusivité sexuelle et amoureuse à vie, cette croyance tient la route pour la plupart des ITSS (oui, oui, il y a une exception! ). Cependant, ce type de monogamie n’est que rarement pratiqué aujourd’hui : la plupart d’entre nous auront (ou ont eu) plus d’un·e partenaire à long terme au cours de leur vie.
Parce que notre monogamie « en série » n’est pas parfaite, elle n’est pas une stratégie de protection infaillible contre les ITSS.
Lorsqu’elles commencent une nouvelle fréquentation, plusieurs personnes ont tendance à jouer aux fesses avant d’officialiser la relation et d’avoir une discussion sur les attentes d’exclusivité (par exemple, établir ce que chacun·e entend par « monogamie »; Civic, 2000). Et, pendant ces relations sexuelles, le condom ou la digue sexuelle (un carré de latex aussi appelé digue dentaire) prend souvent le bord.
Selon les données de sondage du Club Sexu , 44 % des personnes qui n’étaient pas en relation engagée ont rapporté ne pas avoir utilisé de protection contre les ITSS lors des dernières relations sexuelles (ce chiffre monte à 74 % chez les personnes en relation engagée).
Les données de l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ, 2017), qui présentent des résultats semblables, montrent également que, parmi les jeunes de 17 à 29 ans ayant utilisé un condom lors de leur dernière relation sexuelle, 20 % ont effectué une pénétration avant de sortir le condom de son emballage. Gang, se protéger après un contact sexuel, c’est un peu comme porter son couvre-visage en dessous du nez : c’est inefficace pour prévenir la transmission!
Deuxièmement, on abandonne souvent le condom ou la digue sexuelle pour des raisons bien peu valides sur le plan sanitaire : (1) quand on souhaite que la relation devienne « sérieuse » (Bauman et al., 2007; East et al., 2007), (2) lorsque, dans des relations dans lesquelles les partenaires sont de sexes différents, la personne qui a un utérus commence à prendre une méthode de contraception hormonale ou à porter le stérilet (Morroni et al., 2013) ou encore (3) lorsqu’on se sent à l’aise et en sécurité avec l’autre personne (Sparling et Cramer, 2015) plutôt qu’après avoir eu une discussion franche et ouverte à propos de sa santé sexuelle ou après un dépistage d’ITSS.
C’est que selon une étude canadienne, les gens considèrent les personnes familières, telles que les connaissances et les ami·e·s, comme plus fiables et moins à risque d’avoir une ITSS que les étranger·ère·s, et ce, sans rien connaître de leur état de santé sexuelle (Sparling et Cramer, 2015).
Ainsi, plus on connaît une personne, moins on se sent à risque.
Et les recherches démontrent que moins on se sent à risque, moins on est susceptible d’utiliser une protection et d’aller se faire dépister (Cuffe et al., 2016; INSPQ, 2017; McDonagh et al., 2018).
Enfin, parce que ces deux étapes – (1) avoir des relations sexuelles avant d’être « officiellement » exclusif·ve·s ou sans avoir eu une discussion explicite à l’égard de l’exclusivité et (2) arrêter d’utiliser des condoms ou des digues sexuelles quand on veut fonder une relation dite « sérieuse », quand le risque de grossesse est diminué ou quand on se sent safe – se répètent d’une nouvelle relation à l’autre, les résultats de certaines études suggèrent que la probabilité de contracter et de transmettre une ITSS peut augmenter d’une relation monogame à l’autre (par exemple, Ott et al., 2011).
Au-delà de la monogamie en série décrite plus haut, l’infidélité sexuelle introduit également un risque de contracter une ou des ITSS. Bien qu’on pense rarement que notre partenaire nous trompera – ou vice versa –, la recherche sur l’infidélité suggère que celle-ci est relativement fréquente. Elle est commise, en moyenne, par une personne sur quatre (Mark et al., 2011), ou selon nos propres données, par une personne sur deux. En plus d’être un bris d’entente et de confiance entre les partenaires, l’infidélité sexuelle augmente le risque de contracter et de transmettre une ITSS, surtout dans les relations avec une entente monogame.
Selon une étude, les personnes en couple monogame sont moins portées à utiliser une protection avec leur·s autre·s partenaire·s et à se faire dépister que les personnes en relation non monogame consensuelle (couple ouvert, personnes polyamoureuses, etc.; Conley et al., 2012). Par conséquent, bien que les personnes en relation non monogame consensuelle rapportent avoir plus de partenaires sexuel·le·s, elles reçoivent autant de diagnostics d’ITSS que les personnes en couple monogame (Lehmiller, 2015). Wait, what????
Malheureusement, aucune étude n’a encore examiné pourquoi le condom et la digue sexuelle seraient moins au rendez-vous lors d’une infidélité en contexte de couple monogame que lors d’un rapport sexuel avec un nouveau partenaire en contexte de relation non monogame. Cela dit, il y a quelques raisons plausibles pour expliquer cette différence :
Mais si notre partenaire reçoit un résultat positif à un test de dépistage, cela ne signifie pas nécessairement qu’il ou elle nous a trompé·e! Il est possible, par exemple, que notre partenaire ait contracté l’ITSS avant d’être en couple avec nous et qu’il ou elle n’en était simplement pas conscient·e étant donné que plusieurs ITSS ne présentent aucun symptôme.
Il est aussi possible qu’il ou elle avait effectivement passé un test de dépistage, mais que le résultat avait été faussement négatif. Tout comme avec la COVID-19, un « faux » négatif se produit habituellement lorsque la personne va se faire dépister tôt après une exposition, alors que le virus ou les bactéries n’ont pas eu assez de temps pour se multiplier et ainsi être détectables par un test.
Même si une telle annonce peut être surprenante ou bouleversante, il est donc préférable de garder l’esprit ouvert, de donner le bénéfice du doute et d’avoir une conversation franche avec notre partenaire.
Afin de mieux prendre soin de sa santé sexuelle, c’est donc une bonne idée…
Cela dit, demander un test de dépistage à notre médecin de famille (ou vice versa!) peut être difficile ou malaisant, surtout s’il ou elle nous suit depuis longtemps et sait que nous sommes en couple monogame. Si c’est le cas pour toi, sois rassuré·e : il existe d’autres possibilités. Par exemple, Prelib est une clinique inclusive spécialisée dans le dépistage et l’autodépistage des ITSS qui offre des services gratuits (couverts par la RAMQ), confidentiels et de qualité. Les CLSC sont une autre option confidentielle.
Se faire dépister quand on est en couple monogame, c’est un peu comme conduire sur une rue déserte : ce n’est pas parce qu’il n’y a pas d’autres voitures sur la route qu’on peut décider d’ignorer les feux rouges ou de ne pas mettre son clignotant avant un virage ou un changement de voie. Au contraire, on continue de faire ces actions par souci de sécurité – pour la nôtre ainsi que celle des autres. De la même façon, on rend visite annuellement au dentiste et au médecin de famille, même quand tout va bien, pour un examen de routine, parce que notre santé nous tient à cœur.
Alors, pourquoi ne pas ajouter un petit test de dépistage une fois par année à nos habitudes? C’est bien moins long et pénible qu’un rendez-vous chez le dentiste! Et tout comme les caries ne sont pas toujours douloureuses, les ITSS ne présentent pas toujours de symptômes. En bref, vaut mieux traiter tôt que tard. Après tout, c’est empowering de prendre sa santé sexuelle en main!
Bauman, L. J., Karasz, A. et Hamilton, A. (2007). Understanding failure of condom use intention among adolescents: Completing an intensive preventive intervention. Journal of Adolescent Research, 22(3), 248-274. https://doi.org/10.1177/0743558407299696
Civic, D. (2000). College students’ reasons for nonuse of condoms within dating relationships. Journal of Sex & Marital Therapy, 26(1), 95-105. https://doi.org/10.1080/009262300278678
Conley, T. D., Matsick, J. L., Moors, A. C., Ziegler, A. et Rubin, J. D. (2015). Re-examining the effectiveness of monogamy as an STI-preventive strategy. Preventive Medicine, 78, 23-28. https://doi.org/10.1016/j.ypmed.2015.06.006
Cuffe, K. M., Newton-Levinson, A., Gift, T. L., McFarlane, M. et Leichliter, J. S. (2016). Sexually transmitted infection testing among adolescents and young adults in the United States. Journal of Adolescent Health, 58(5), 512-519. https://doi.org/10.1016/j.jadohealth.2016.01.002
East, L., Jackson, D., O’Brien, L. et Peters, K. (2007). Use of the male condom by heterosexual adolescents and young people: Literature review. Journal of Advanced Nursing, 59(2), 103-110. https://doi.org/10.1111/j.1365-2648.2007.04337.x
Farley, T. A., Cohen, D. A. et Elkins, W. (2003). Asymptomatic sexually transmitted diseases: the case for screening. Preventive medicine, 36(4), 502-509. https://doi.org/10.1016/S0091-7435(02)00058-0
INSPQ. (2017). Le condom. https://www.inspq.qc.ca/espace-itss/pixel/le-condom
Lehmiller, J. J. (2015). A comparison of sexual health history and practices among monogamous and consensually nonmonogamous sexual partners. The Journal of Sexual Medicine, 12(10), 2022-2028. https://doi.org/10.1111/jsm.12987
Mark, K. P., Janssen, E. et Milhausen, R. R. (2011). Infidelity in heterosexual couples: Demographic, interpersonal, and personality-related predictors of extradyadic sex. Archives of sexual behavior, 40(5), 971-982. https://doi.org/10.1007/s10508-011-9771-z
McDonagh, L. K., Saunders, J. M., Cassell, J., Curtis, T., Bastaki, H., Hartney, T. et Rait, G. (2018). Application of the COM-B model to barriers and facilitators to chlamydia testing in general practice for young people and primary care practitioners: a systematic review. Implementation Science, 13(1), 130. https://doi.org/10.1186/s13012-018-0821-y
Morroni, C., Heartwell, S., Edwards, S., Zieman, M. et Westhoff, C. (2014). The impact of oral contraceptive initiation on young women’s condom use in 3 American cities: missed opportunities for intervention. PloS one, 9(7), e101804. https://doi.org/10.1371/journal.pone.0101804
Ott, M. A., Katschke, A., Tu, W. et Fortenberry, J. D. (2011). Longitudinal associations among relationship factors, partner change, and sexually transmitted infection acquisition in adolescent women. Sexually transmitted diseases, 38(3), 153. https://doi.org/10.1097/OLQ.0b013e3181f2e292
Sparling, S. et Cramer, K. (2015). Choosing the danger we think we know: Men and women’s faulty perceptions of sexually transmitted infection risk with familiar and unfamiliar new partners. The Canadian Journal of Human Sexuality, 24(3), 237-242. https://doi.org/10.3138/cjhs.243-A2