Ménopause, transition et fluidité : conversation sur le sexe avec des 60 ans et plus

Les personnes âgées sont nées dans un tout autre monde; un monde où la sexualité ne faisait pas encore partie des conversations populaires. Elles ont vu leur corps, leurs idées, leur société et leur sexualité vieillir et se transformer au fil du temps. Chloé, Bruce et Diane, trois personnes âgées de 60 ans et plus, nous ont confié des parcelles de leur vie sexuelle.

« Les personnes de 60 ans et plus ont le droit, elles aussi, d’avoir une sexualité épanouie. C’est une facette de la vie qui mérite d’être vécue, et ce, peu importe l’âge », déclare Diane, qui profite pleinement de sa nouvelle réalité de femme retraitée.

Ménopause, sécheresse vaginale et vie sexuelle pleinement épanouie 

Diane, âgée de 62 ans, s’est séparée du père de ses trois enfants il y a vingt ans. À l’époque, elle pensait avoir un problème de libido avant de comprendre que ce n’était pas ça. « On dira ce qu’on voudra, mais quand on travaille à temps plein, avec des enfants en plus, c’est difficile de trouver du temps pour faire l’amour avec son ou sa partenaire. Le soir, j’avais juste envie de me coucher. »

La sexagénaire profite aujourd’hui de l’accalmie que lui procure la retraite pour prendre le temps de vivre et d’échanger de la tendresse avec son conjoint des quatre dernières années. Le couple fait l’amour une à deux fois par semaine. Plus lorsque le partenaire de Diane, qui travaille encore, est en vacances. Elle a aussi plus d’aisance à partager avec lui des choses qu’elle n’osait pas faire plus jeune. Comme se toucher pour se faire jouir lors de leurs ébats.

« L’avantage d’être retraitée, c’est que je suis pas mal moins stressée et fatiguée. Quand j’avais des grosses jobs, il y avait toujours quelque chose qui me tourmentait et qui m’empêchait de me laisser aller », explique-t-elle.

Diane explique que vieillir lui a entre autres permis de mieux connaître son corps, ses désirs et ses limites. Elle ajoute que, dans son cas, certaines limitations physiques se sont manifestées avec l’âge. Lire : elle a souffert de sécheresse vaginale pendant plusieurs années avant qu’une de ses amies, qui est passée par là elle aussi, lui parle des hormones bio-identiques.   

Diane a consulté sa médecin et lui a demandé de lui en prescrire. Rapidement, elle a vu son insomnie diminuer, ses chaleurs aussi. En plus des hormones, son pharmacien lui a suggéré de prendre un suppositoire vaginal pour favoriser la lubrification. Ce qu’elle a fait.

« Souffrir d’assèchement vaginal et faire l’amour, c’est avoir mal à chaque pénétration. Je peux pas croire qu’on nous ait jamais parlé de ça avant. » Diane se fait depuis un point d’honneur de répandre la bonne nouvelle à toutes les femmes de son entourage.

Prendre la dysphorie de genre par les cornes  

Âgée de 73 ans, Chloé sait depuis l’âge de 9 ans qu’elle est une femme, malgré ce que son corps laissait croire à l’époque. Il lui a fallu toute une vie – 67 ans pour être exacte – deux mariages et un enfant avant de faire son coming out comme femme trans lesbienne. 

La suite s’est rapidement enchaînée : traitement hormonal, changement de nom, modification de la mention de genre et chirurgie d’affirmation de genre (vaginoplastie).

Depuis six ans, elle s’implique de différentes façons au sein de la communauté LGBTQIA+, notamment avec la Fondation Émergence, qui lutte contre l’homophobie et la transphobie. Elle a d’ailleurs été la première femme trans à siéger au conseil d’administration du Réseau des lesbiennes du Québec.    

« J’ai toujours su que j’étais une femme, mais ce que je ne savais pas, c’est comment j’allais faire pour dealer avec ça dans la société », confie-t-elle. 

Vivre son premier orgasme féminin à 67 ans

La septuagénaire, qui a eu plusieurs relations amoureuses et sexuelles depuis six ans, m’explique qu’elle a passé les dernières années à redécouvrir sa sexualité, un peu comme si elle revivait l’adolescence, un moment phare où se dessinent les contours de notre identité sexuelle et de genre. Elle me raconte aussi que cela lui a pris un certain temps, et l’aide d’une physiothérapeute, pour comprendre comment l’orgasme féminin fonctionne.

« Il n’y a pas grand monde qui puisse affirmer avoir vécu l’orgasme masculin et l’orgasme féminin; moi oui, souligne-t-elle. Ça m’a pris du temps, avoir mon premier orgasme de femme, mais quand j’ai compris comment mon nouveau corps fonctionnait… c’était WOW! Je pensais que la tête allait m’arracher tellement c’était bon. » 

Depuis six ans, Chloé prend plaisir à découvrir sa nouvelle sexualité, qui, pour elle, est aussi importante que boire ou manger. Elle ne peut cependant pas s’empêcher d’être inquiète en pensant au moment où elle devra quitter son chez-elle pour aller vivre dans un milieu pour personnes âgées, craignant le manque d’ouverture en matière de sexualité et d’identité de genre.

Une vie complète à échanger loin du regard des autres  

« Ici, le mot “sexualité” est tabou. On n’en parle pas », m’explique Bruce, qui, de son côté, vit en résidence pour personnes âgées (RPA) avec sa femme Mimi depuis neuf ans. 

Bruce et Mimi sont ensemble depuis 62 ans. Pas complètement hétérosexuel, mais pas complètement bisexuel non plus, le couple a exploré sa sexualité avec plusieurs personnes, autant des hommes que des femmes. Le couple s’est rencontré en 1960, à l’âge de 17 ans, et ne s’est jamais quitté depuis. Il s’est marié en 1965 et a eu deux enfants au cours des années suivantes. 

Comme dans bon nombre de relations, le quotidien et tout ce qui vient avec celui-ci ont eu des impacts directs sur la vie sexuelle de Bruce et Mimi. C’est après avoir mis la main sur une annonce publiée dans les Pages jaunes que le couple s’est lancé dans l’échangisme.  

Le duo a commencé par essayer une rencontre le samedi soir. Puis deux. Il passera finalement dix ans de samedis soirs entouré de couples qui, comme lui, ont eu envie de pimenter leur vie sexuelle avec l’échangisme. S’en sont suivies des années à découvrir des centres naturistes aux quatre coins de la planète, à repousser les étiquettes sexuelles et à jouir de cette liberté et fluidité assumée. 

« L’échangisme a sauvé notre mariage, nous a permis de rencontrer plein de belles personnes et d’explorer notre sexualité pleinement », confie Bruce qui a parfois envie de recommencer. 

Désormais en RPA, le couple prend plaisir à se remémorer des souvenirs, tout en continuant de nourrir sa sexualité, cette fois-ci à deux exclusivement.

« Mon souvenir le plus vif est quand un homme est venu se frotter à moi pour la première fois. Je le sens encore des années plus tard », raconte Bruce, un brin nostalgique. 

Aujourd’hui, Bruce s’amuse à stimuler sa prostate avec un godemichet vibrant. Mimi, elle, se masturbe à l’aide d’un vibrateur en écoutant un film pornographique.

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