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Le 21 janvier dernier, une photo que j’ai publiée sur Instagram est devenue virale.
Une photo de mes poils pubiens.
Si simple, et pourtant, si… dérangeant. Disons que de tout ce que je publie, je n’aurais jamais pensé me faire connaître par mes pubes, mais le message que je souhaitais véhiculer a définitivement résonné pour une énorme quantité de gens. Tout ce que j’essayais de dire, c’est que c’est normal, d’avoir un corps humain qui a l’air d’un corps humain.
Une partie du texte accompagnant ma photo va comme suit :
On m’aurait dit l’année dernière que je publierais une photo comme ça sur Internet et j’aurais ri, mais comme… vraiment ri.
Dès que j’ai commencé à avoir de la pilosité, on m’a incité·e à ressentir de la honte envers elle. À la cacher. Le plus important : à la raser. Quand j’écris “on”, je ne parle pas de la société, des publicités ou de ce que je consommais.
Je parle d’une figure paternelle. Une figure adulte à qui je faisais confiance et que j’admirais. Quelqu’un qui, je le présumais, possédait la vérité ultime. Quelqu’un qui pensait (maladroitement) faire ça pour me protéger, et qui en fait ne connaissait pas mieux.
Je ne suis pas fâché·e. Je suis en fait déçu·e que notre société ait fait croire à mon parent que c’était de bons conseils, qu’elle ait forcé tout ce mal être sur ma personne de 10 ans. J’ai appris si jeune à me détester. Je me rasais tous les matins, sans jamais manquer une journée.
En réfléchissant à mon utilisation des réseaux sociaux, je me pousse à être plus vulnérable et authentique, à avoir des conversations plus humaines et à cœur ouvert. Personne ne peut décider à notre place de la façon dont on se présente, que ce soit pour les poils, l’acné, la santé mentale, le genre, ou tout ce à quoi on peut penser. Je veux continuer de publier plus de trucs honnêtes du genre, parce que c’est important, et je crois qu’on en a fondamentalement besoin.
Cette photo, c’est la plus stressante que j’ai publiée sur Instagram – et j’ai déjà publié à plusieurs reprises à propos de ma médication et de mon acné. J’aime mes poils. Je n’ai pas rasé mes poils pubiens depuis plusieurs années, et je les taille seulement quand ça me tente, pour mon propre confort et plaisir.
L’été, par contre, j’ai tendance à raser les côtés et à couper ce qui « dépasse » de mes vêtements. Je suis encore porté·e à chercher à les cacher par inconfort et par honte, de crainte que quelqu’un les remarque. Je suis vraiment épuisé·e de ressentir ce besoin de me cacher, et c’est ce qui m’a inspiré·e à demander à mon partenaire de prendre cette photo.
Dans ma publication, je parlais ensuite de la chance extraordinaire que j’ai de pouvoir partager ma vie, mes idées, mes projets et toute ma vulnérabilité avec mon partenaire, qu’il m’encourage et me soutienne.
En moins de deux semaines, la photo a récolté près de 15 000 mentions « j’aime » sur mon compte, sans compter plus de 4000 sauvegardes et envois et plus de 500 commentaires. Le texte a été traduit en trois langues. J’ai reçu des centaines de messages privés me remerciant, m’expliquant à quel point ces personnes, en grande majorité des femmes, avaient besoin de lire un message du genre et ô combien elles m’étaient reconnaissantes. Je me suis acharné·e à répondre à chaque personne qu’au contraire, c’est moi qui me devait d’être reconnaissant·e d’avoir la chance de développer une communauté grandissante ouverte à ma vulnérabilité.
Je parle souvent de l’importance de la représentation. Cet exemple est la situation parfaite pour y réfléchir un peu plus.
Il faut évidemment discuter de l’aspect choquant de la photo.
Déconstruire ce que la société nous a imposé prend du temps et beaucoup de travail. Cet effort doit aller de pair avec plus de représentation. Ce qui nous choque est simplement ce que l’on n’est pas « habitué·e·s » de voir. On parle beaucoup de pilosité, certes, mais on ne la voit jamais. Il est là, le problème.
Dire que c’est normal, les poils, ce n’est pas suffisant et ce n’est pas la même chose qu’oser les montrer – et on a besoin de les voir si on veut s’y habituer un jour.
S’habituer à les voir, à les porter, à les assumer, à les aimer – encourager leur normalisation à travers la représentation.
J’ai invité les personnes choqué·e·s par cette photo et ayant pris le temps de commenter à réfléchir à leur réaction.
Est-ce que ça a éveillé en eux et elles un inconfort?
Un malaise ou une incertitude personnelle?
Une pudeur face à l’utilisation d’Internet? Le souhait de voir appliquée une politique plus conservatrice?
Mais pourquoi ne pas être tout aussi outré·e devant toutes les photos de peau où les poils ont été minutieusement effacés à l’aide de Photoshop? Ce qui est dérangeant serait donc les poils pubiens? Personne n’a osé répondre.
J’ai évidemment reçu des commentaires sur mon hygiène personnelle, sur le fait que je ne réussirais jamais à me trouver de partenaire. J’ai eu la chance que Staci Tanouye (@dr.staci.t sur Instagram) me soutienne en story et en commentaire pour confirmer que l’hygiène et les poils vont en fait main dans la main : les poils nous protègent.
L’idée erronée que les poils ne sont pas hygiéniques provient de nos médias vides de corps authentiques, de notre culture porno qui childifie les femmes, et, comme le publiait la page Abattoir sur Facebook, découle directement de ce que le corps des femmes en âge de plaire aux hommes (cis et hétéros) est soumis au diktat de leurs préférences sexuelles (celles-ci étant, en retour, influencée par les représentations dominantes dans les médias et la porno). Ensuite, c’est un choix personnel.
On m’a aussi accusé·e de faux féminisme. Je suis régulièrement déçu·e du manque d’intersectionnalité de certaines personnes s’identifiant comme « féministes ». Elles semblent dire que si on normalise le fait d’avoir des poils, alors on discriminera les personnes qui se rasent. Au contraire, you do you, et tout ce que je demande de mon côté, c’est d’être également représenté·e et respecté·e dans mes choix. D’être capable, moi aussi, de me sentir dans la norme, à part égale.
C’est faux de croire que porter et montrer fièrement nos poils ne fait pas partie de la cause féministe. Mon féminisme se veut inclusif, intersectionnel, ouvert, prêt à remettre en question ce que je crois et toujours désireux de pointer les conséquences d’un patriarcat capitaliste responsable de notre honte corporelle. Mon féminisme se retrouve dans l’écoute active et le désir de continuer à m’éduquer.
Finalement, la représentation a pour but, selon moi, de valider tous les corps et toutes les sexualités et de chercher à ce que les gens n’aient plus de réactions viscéralement négatives face à des sujets si près de nous tou·te·s.
À mon grand désarroi, mon compte @leksendrine a été supprimé par Instagram. Je n’ai jamais reçu d’avis que j’enfreignais quelque règle que ce soit. Pourtant, je me suis réveillé·e un matin et pouf, tout mon travail avait été jeté à la poubelle.
J’ai fait l’erreur de répondre à un commentaire haineux envers mon identité de genre. La personne disait qu’elle n’avait aucun souci avec les poils, mais que par contre, on est homme ou femme, rien d’autre, et que donc j’étais une femme forte et que je représentais la pilosité féminine.
Ensuite, un masculiniste s’est immiscé dans les commentaires de ma publication en m’offrant de l’argent afin que je m’achète un rasoir. Je me suis trouvé·e drôle de lui répondre en publiant mon lien PayPal. Quelques minutes plus tard, ils étaient cinq à publier des commentaires et j’ai réalisé mon erreur. Apparemment, c’est quelque chose qu’ils font de leur temps libre, les masculinistes et les trolls, se regrouper et dénoncer une page féministe/activiste/etc. jusqu’à ce qu’elle ferme.
Ils ont réussi. Ils ont gagné.
Je me suis réveillé·e le lendemain matin avec un message d’Instagram : « Your page has been disabled. »
Sur le coup, je me suis un peu avoué·e vaincu·e. Par contre, ça prouvait très bien mon point: la représentation visuelle choque encore plus que le discours. Alors on gagne à s’y investir, à créer le contenu authentique qu’on désire voir. Et je vais essayer de regagner ma plateforme et, advienne que pourra, continuer d’écrire et de créer.
Au moment où on s’apprête à publier cet article, après 18 jours de courriels, de plaintes, de demandes à mon entourage de porter plainte à la plateforme car mon compte a été injustement désactivé… Je suis de retour sur Instagram! Mon compte a finalement été réactivé. J’ai gagné une bataille, mais pas la guerre contre la censure. Je n’ai clairement pas fini de me battre pour toutes les voix marginalisées qui se font censurer.
Butler, S., Smith, N., Collazo, E., Caltabiano, L., et Herbenick, D. (2015). Pubic Hair Preferences, Reasons for Removal, and Associated Genital Symptoms: Comparisons Between Men and Women. The Journal Of Sexual Medicine, 12(1), 48-58. https://doi.org/10.1111/jsm.12763
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