Le mythe de la virginité : performance et pression sociale

Notre équipe a pris le temps de cogiter sur cette intéressante confession et d’offrir quelques pistes de réflexion.

Qu’est-ce qui définit une relation sexuelle?

Une relation sexuelle se définit généralement par le fait d’avoir des stimulations sexuelles consentantes avec une autre personne (ou plusieurs!). Par contre, l’accent est souvent mis sur l’aspect génital et le coït, surtout dans les relations hétérosexuelles, et donne l’impression qu’une relation sexuelle « complète » nécessite une pénétration vaginale « complète » (Bédard, 2008).

Cette conception de la sexualité comme nécessairement génitale est nourrie par l’association encore présente entre sexe et procréation. On croit aussi que les autres activités sexuelles – le sexe oral, la masturbation, le sexe anal et le baiser – sont des « préliminaires » et servent plutôt à compenser le manque de pénétration (Andro et Bajos, 2008).

C’est comme si le sexe se résumait à un menu trois services :

  1. Préliminaires
  2. Pénétration vaginale
  3. Orgasme

Pourtant, la majorité des gens ont des relations sexuelles pour le plaisir, et leurs motivations sont autres que la reproduction (Andro et Bajos, 2008). Et le corps contient beaucoup d’autres zones érogènes tout aussi plaisantes : la bouche, les seins, le clitoris, l’anus, les oreilles, les cuisses, etc. En plus, la variété des pratiques dans la sexualité est associée à une plus grande satisfaction sexuelle (Andro et Bajos, 2008; Higgins et al., 2011)! On te recommande donc fortement de partir à l’aventure du corps de ton, ta ou tes partenaire·s (et du tien!). 

Parce qu’ici, tous les chemins ne mènent pas… au coït.

Qu’est-ce que ça signifie vraiment, « être vierge »?

Au Québec et ailleurs dans le monde, être « vierge » ou être « sexuellement actif·ive » sont habituellement définis en fonction d’une seule chose : la pénétration vaginale avec un pénis.

Mais est important de retenir qu’une relation sexuelle peut impliquer n’importe quel type d’activité sexuelle partagée (sexe oral, sexe anal, caresses, baisers, etc.) et pas seulement la pénétration vaginale! 

Chez les 17-29 ans au Québec, 77 % auraient eu une au moins une relation sexuelle vaginale dans leur vie et, chez 47 % d’entres elles, leur « première fois » aurait eu lieu avant leurs 17 ans (Lambert et al., 2017). Il y aurait donc plus de 20 % des jeunes qui n’ont pas encore expérimenté la pénétration vaginale (ou ne l’expérimenteront jamais!).

Même si la « virginité » est commune et qu’on est tou·te·s « vierges » à un moment donné dans notre vie, les personnes qui n’ont jamais eu de pénétration vaginale sont malheureusement stigmatisées (Fleming et Davis, 2018) et même parfois non considérées comme partner material (Gesselman et al., 2017). 

Néanmoins, ne pas avoir eu de relations sexuelles vaginales avant un certain âge, que ce soit par choix ou non, ça ne te rend pas moins désirable!  

D’ailleurs, il est pertinent de réfléchir à ce que ça signifie pour nous, « perdre sa virginité ». En effet, définir son entrée dans une vie sexuelle active uniquement par la pénétration vaginale est problématique et impossible pour toutes les personnes qui ne pratiquent pas – ou dans ce cas-ci n’ont pas encore pratiqué – le coït.

Comme le dit Zoë Ligon, pdg de la boutique Spectrum, cette définition devrait nous appartenir et nous devrions pouvoir nous-mêmes choisir ce qui marque cette étape de notre vie. Par exemple, elle définit le moment où elle a perdu sa virginité comme étant la première fois qu’elle s’est masturbée.

Alors, si tu considères que tu as des relations sexuelles, coït ou pas, tu n’as pas à t’en faire de pratiquer la pénétration vaginale pour valider ta sexualité : c’est à toi de décider!

Parlons de performance sexuelle

La croyance que « sexe = coït » nous met une pression énorme à réussir la pénétration vaginale pour avoir du « vrai sexe ». Le sentiment d’incompétence dans notre sexualité nous amène parfois à repenser notre satisfaction sexuelle (Traaen et Shaller, 2010) et à ne pas nous considérer « bon·ne·s au lit ». À l’inverse, douter de nos aptitudes peut nuire à notre propre plaisir!

En tant que jeunes adultes, la pression d’être actifs ou actives, de nous épanouir et même de « performer » nous amène à considérer de manière normative notre sexualité, c’est-à-dire à penser qu’il y a une façon normale ou une façon anormale de pratiquer le sexe (Maas et Lefkowitzt, 2015). On nous dit constamment qu’il faut avoir du plaisir, et souvent! On peut ainsi se sentir défectueux·euse, anormal·e ou même indésirable en comparaison avec la performance des autres.

Mais le plaisir devrait justement être… plaisant! C’est pas pour rien qu’on parle de relation sexuelle : c’est un échange, un moment et un endroit pour partager des sensations sexuelles plaisantes et où on aimerait se sentir confortable. Le sexe ne devrait pas être un sport de course, mais plutôt un terrain de jeu.

Et si on se donnait le droit d’explorer, de bifurquer, de revenir, de manquer notre shot et de ne pas nécessairement marquer un but? Let’s have fun juste pour le fun!

Est-ce que c’est normal d’avoir des douleurs pendant le sexe?

Jusqu’à trois personnes dotées d’un vagin sur quatre auraient vécu de la douleur lors de relations sexuelles (ACOG, 2011). On parle alors de dyspareunie. Chez la plupart des personnes atteintes, c’est un one-time thing ou quelque chose de peu fréquent. Cependant, pour environ 15 % de ces personnes, cette douleur peut survenir très souvent ou même à chaque pénétration vaginale (APA, 2013).

Plusieurs personnes croient que la pénétration douloureuse est normale pour les personnes dotées d’un vagin. Let’s make something clear : les activités sexuelles ne devraient jamais être douloureuses! 

Dans la majorité des cas, la cause de la douleur est physique et, souvent, c’est parce que les muscles à l’entrée du vagin sont trop tendus. Lorsqu’ils sont contractés au point de rendre la pénétration difficile ou impossible, même lorsque la relation sexuelle est voulue, il s’agit d’une condition nommée vaginisme, laquelle affecte environ 6 % des femmes (Lewis et al., 2004).

Même si la situation tend à s’améliorer avec des formations de plus en plus adaptées, plusieurs personnes ont eu de mauvaises expériences avec des médecins généralistes qui n’étaient pas suffisamment formés pour identifier le problème sans cause visible, croyant à une cause psychologique. Elles ont souvent dû attendre un certain temps avant d’être référées à un·e médecin spécialisé·e. Il est donc préférable de consulter un·e gynécologue, un·e sexologue ou un·e autre spécialiste qui peut offrir une gamme de traitements appropriés. Il existe même des physiothérapeutes spécialisé·e·s en douleur pelvienne et génitale qui peuvent aider! 

Si tu te reconnais dans cette confession, sache que :

  1. Ta douleur est réelle
  2. Tu as droit à un traitement adéquat
  3. Tu as droit au plaisir sexuel

N’oublie pas que le sexe, c’est pour le plaisir de tou·te·s, et non seulement pour celui de ton ou ta partenaire!

  • American College of Obstetricians and Gynecologists. (2011). ACOG practice bulletin No. 119: Female sexual dysfunction. Obstetrics and Gynecology, 117(4), 996–1007. https://doi.org/10.1097/AOG.0b013e31821921ce

    American Psychiatric Association. (2013). Diagnostic and statistical manual of mental disorders fifth edition (DSM-5). American Psychiatric Association.

    Andro, A. et Bajos, N. (2008). La sexualité sans pénétration: une réalité oubliée du répertoire sexuel. Enquête sur la sexualité en France. Pratiques, genre et santé, Paris, La Découverte, 297–314.

    Fleming, C. et Davis, S. N. (2018). Masculinity and virgin-shaming among college men. The Journal of Men’s Studies, 26(3), 227–246. https://doi.org/10.1177/1060826518758974 

    Gesselman, A. N., Webster, G. D. et Garcia, J. R. (2017). Has virginity lost its virtue? Relationship stigma associated with being a sexually inexperienced adult. The Journal of Sex Research, 54(2), 202–213. https://doi.org/10.1080/00224499.2016.1144042 

    Higgins, J. A., Mullinax, M., Trussell, J., Davidson Sr, J. K. et Moore, N. B. (2011). Sexual satisfaction and sexual health among university students in the United States. American Journal of Public Health, 101(9), 1643–1654. https://doi.org/10.2105/AJPH.2011.300154 

    Lambert, G., Mathieu-Chartier, S., Goggin, P., Maurais, E. et l’Équipe de recherche PIXEL. (2017, September 19). Étude PIXEL – Portrait de la santé sexuelle des jeunes adultes québécois. Institut national de santé publique du Québec. https://www.inspq.qc.ca/publications/2307#:~:text=L’objectif%20de%20l’%C3%A9tude,et%20le%20bien%2D%C3%AAtre%20sexuel

    Lewis, R. W., Fugl‐Meyer, K. S., Bosch, R., Fugl‐Meyer, A. R., Laumann, E. O., Lizza, E. et Martin‐Morales, A. (2004). Epidemiology/risk factors of sexual dysfunction. The Journal of Sexual Medicine, 1(1), 35–39. https://doi.org/10.1111/j.1743-6109.2004.10106.x 

    Maas, M. K., & Lefkowitz, E. S. (2015). Sexual esteem in emerging adulthood: Associations with sexual behavior, contraception use, and romantic relationships. The Journal of Sex Research, 52(7), 795-806.

    Træen, B., & Schaller, S. (2010). Subjective sexual well-being in a web sample of heterosexual Norwegians. International Journal of Sexual Health, 22(3), 180-194.