Pica Magazine

Le consentement n’est pas un caprice

Cet article a été rédigé en collaboration avec Pica Magazine.

J’embrasse tendrement sa clavicule, puis je laisse ma bouche parcourir son cou jusqu’à son oreille. Le cocktail d’émotions qui fait alors surface ressemble à celui que je ressentais les matins de Noël quand j’étais enfant. Mes poumons s’emplissent de son odeur, mon cœur se gonfle de joie, le bout de mes doigts trépignent d’impatience et j’ai l’estomac virevoltant d’excitation.

Cependant, après un certain temps, ses gémissements se font plus discrets, ses gestes perdent de l’entrain et son regard fuit le mien. On dirait que ses mouvements contrastent avec l’enthousiasme que je ressens. Peut-être que c’est moi qui fait pas une bonne job. Peut-être que si je continuais en redoublant d’efforts, j’arriverais à l’exciter comme tantôt. Peut-être bien. Mais, le nuage de doute qui plane sur son désir jette une ombre sur le mien.

Ici, on pourrait choisir l’une de deux options :

Chose certaine : si on choisit l’option A, on peinera fort probablement à vivre du plaisir. En effet, on est loin de passer un bon moment quand on doute du désir réciproque de notre partenaire, quand on a l’impression que cette personne préférerait faire autre chose plutôt que de nous embrasser ou d’avoir une relation sexuelle avec nous. Notre plaisir cède alors sa place à des émotions moins sexu comme la déception, l’angoisse, la confusion ou la solitude.

Préfère-t-on s’imaginer que notre partenaire vit du plaisir, plutôt que d’en être sûr·e? Est-ce qu’on préfère éviter de faire un check-in auprès de notre partenaire pour éviter la possibilité d’un rejet franc ou d’une discussion malaisante? Préfère-t-on vraiment que notre partenaire simule son consentement et feigne le plaisir plutôt que de risquer de voir notre ego prendre un coup? Dans tous les cas, continuer l’activité sexuelle quand on doute du désir de notre partenaire revient à ignorer son (non-)consentement.

Qu’est-ce que le consentement?

Selon l’article 273.1 du Code criminel du Canada, le consentement sexuel désigne « l’accord volontaire et continu de se livrer à une activité sexuelle qui a été agréée sans l’emprise de la force, menaces, peur, fraude ou abus de pouvoir ». C’est une définition très simple du consentement, qui aborde son côté éthique.

C’est d’ailleurs dans cette optique-là que plusieurs en parlent : en termes éthiques; de la « bonne chose » à demander. On aborde le consentement comme « accord » ou comme « permission » à sécuriser, l’objectif final étant d’éviter de se retrouver dans le trouble

Or, la raison d’être du consentement sexuel n’est pas simplement de légitimer nos actions vis-à-vis notre partenaire. Ce n’est pas juste une demande d’accès à leur corps. Le consentement sexuel, ce n’est pas passif. Après tout, si une personne ne fait que nous accorder la permission de nous adonner à des activités sexuelles avec elle, cela ne signifie pas qu’elle sera participante; qu’il y aura une relation sexuelle. 

Et, si on parlait du consentement plutôt en termes d’une chose excitante de laquelle être témoin et d’une indication que les activités sexuelles sont une expérience partagée? 

C’est que… le consentement de l’autre est important, non pas pour éviter des ennuis, mais parce qu’on désire profondément que notre partenaire soit à l’aise et ait du plaisir en notre compagnie. Le consentement authentique est primordial à notre propre plaisir sexuel. 

Comment se communique le consentement?

Au-delà d’un simple « accord » à prendre part à des activités sexuelles, communiquer son consentement, c’est témoigner de son intérêt et de son plaisir sexuel. Ça fait donc partie de la communication sexuelle en général. Bien qu’on parle souvent de consentement en termes de communication verbale, ce n’est pas ce qu’il y a de plus populaire – ni dans la vraie vie ni dans les films, que ce soit à la télévision ou dans la pornographie (Jozkowski et al., 2019; Shumlich et Fisher, 2018; Willis et al., 2020) – parce que plusieurs la trouvent awkward, peu réaliste ou « pas naturelle » (Curtis et Burnett, 2017). 

La plupart du temps, pour que notre partenaire sache qu’on veut avoir des contacts sexuels ou qu’on aime – qu’on consent à – ce qui se passe entre les draps (ou sur la banquette arrière d’un char, wherever!), on lui donne des signes de notre plaisir, de la même manière qu’on sourit ou qu’on émet des bruits de délice pour signaler qu’on apprécie ce qu’on mange (que ce soit dans une assiette ou entre deux cuisses!) (Beres, 2010; Séguin, 2022). Par exemple, en faisant un regard langoureux, en gémissant de plaisir, en se rapprochant, en haletant, et plus encore. Et il n’y a rien de plus érotique que de voir et de ressentir que notre partenaire est vraiment into it.

En revanche, pour communiquer notre non-consentement, que ce soit conscient ou non, on émet des signes d’insatisfaction, de peur, de douleur, de dégoût, d’inconfort ou d’ennui à travers notre langage non verbal (Beres, 2010; Séguin, 2022). Un peu moins sexy, right?  

Une activité sexuelle, c’est une expérience partagée dans le cadre de laquelle on trouve, entre autres, du plaisir, du confort et de la complicité, et à laquelle on se sent libre de participer et de contribuer. Cependant, l’absence de consentement annule ces objectifs. Une personne non consentante est quelqu’un·e qui subit nos caresses, nos baisers et notre corps. C’est donc quelqu’un·e qui, à ce moment précis, ne vit pas de plaisir ou de complicité avec nous, et ne ressent pas notre affection. Il y a plein de raisons de ne pas se sentir partant·e ou disponible à partager cette expérience et personne ne devrait être dans la position de simplement subir.

Le consentement est donc loin d’être un caprice : il fait toute la différence entre une relation sexuelle plaisante – passionnelle même – et une expérience aliénante et non partagée, c’est-à-dire une agression sexuelle.  

Demander le consentement : un turn-off?

Savoir lire et interpréter le langage non verbal devient alors primordial. Il est critique de ne pas ignorer ce que l’autre exprime. Cela dit, afin que notre partenaire se sente à l’aise de s’exprimer de manière libre et authentique, on ne devrait pas réagir à son non-consentement comme si on le percevait tel un rejet, une critique ou un reproche (Séguin, 2022). On peut dire :

« C’est 100 % correct que ça te tente pas. J’aime bien mieux que tu me le dises. Comme ça je sais que, quand on a du sexe ensemble, c’est qu’on en a tou·te·s les deux envie pour de vrai. Pis c’est ben plus le fun pour tout le monde comme ça. Aimerais-tu qu’on fasse juste se coller pis qu’on regarde un film à la place? ».

C’est seulement quand notre partenaire se sent pleinement à l’aise de dire « non » qu’on peut avoir confiance en ses « oui ».

En outre, plus on connaît une personne, plus on devient apte à lire son non-verbal et donc à inférer correctement son consentement (ou son non-consentement). Cependant, à la moindre ombre de doute, c’est toujours une bonne idée de demander verbalement le consentement de notre partenaire pour s’en assurer. Besoin d’inspiration? Ça peut ressembler à ça :

« Ça va? Veux-tu qu’on continue? » 

« Est-ce que tout va bien? On peut prendre une pause, si tu veux. »

« Est-ce qu’il y a quelque chose qui ne va pas? C’est correct si tu préfères qu’on fasse autre chose. No pressure. »

Un caprice, c’est une envie soudaine, irréfléchie, sujette à changer d’un instant à un autre; c’est un·e enfant qui pique une crise pour ne pas avoir obtenu l’objet de son désir. Il ne faut pas avoir peur de « tuer l’ambiance » avec nos questions, parce que vouloir le consentement de notre partenaire n’est pas un caprice. C’est juste la chose bienveillante à faire que de veiller à ce que le désir soit au rendez-vous pour toutes les personnes concernées. Au contraire, il serait capricieux d’insister lorsque quelqu’un·e dit non. Si le simple fait de prendre le temps pour s’assurer que notre partenaire va bien et qu’il ou elle éprouve du plaisir arrive à tuer l’ambiance, eh bien… peut-être que ce n’était pas une super ambiance en partant? 

  • Beres, M. (2010). Sexual miscommunication? Untangling assumptions about sexual communication between casual sex partners. Culture, Health & Sexuality, 12(1), 1-14. https://doi.org/10.1080/13691050903075226

    Curtis, J. N. et Burnett, S. (2017). Affirmative consent: What do college student leaders think about “yes means yes” as the standard for sexual behavior?. American Journal of Sexuality Education, 12(3), 201-214. https://doi.org/10.1080/15546128.2017.1328322

    Jozkowski, K. N., Marcantonio, T. L., Rhoads, K. E., Canan, S., Hunt, M. E. et Willis, M. (2019). A content analysis of sexual consent and refusal communication in mainstream films. The Journal of Sex Research, 56(6), 754-765. https://doi.org/10.1080/00224499.2019.1595503

    Merwin, K. E., & Rosen, N. O. (2019). Perceived partner responsiveness moderates the associations between sexual talk and sexual and relationship well-being in individuals in long-term relationships. The Journal of Sex Research, 57(3), 351-364. https://doi.org/10.1080/00224499.2019.1610151

    Séguin, L. J. (2022). “I’ve learned to convert my sensations into sounds”: Understanding during-sex sexual communication. The Journal of Sex Research. 1-15. https://doi.org/10.1080/00224499.2022.2134284

    Shumlich, E. J. et Fisher, W. A. (2018). Affirmative sexual consent? Direct and unambiguous consent is rarely included in discussions of recent sexual interactions. The Canadian Journal of Human Sexuality, 27(3), 248-260. https://doi.org/10.3138/cjhs.2017-0040 

    Willis, M., Canan, S. N., Jozkowski, K. N. et Bridges, A. J. (2020). Sexual consent communication in best-selling pornography films: A content analysis. The Journal of Sex Research, 57(1), 52-63. https://doi.org/10.1080/00224499.2019.1655522