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Lors de mon dernier passage à la clinique de dépistage du Quartier latin, en vraie Carmen Sandiego des entrejambes, j’ai profité de la présence du médecin pour poser quelques questions sur l’état de santé sexuelle des Québécois·es. Ben oui, j’suis têteux de même, sue me.
Les deux foufounes à l’air, couché sur le flanc comme un phoque échoué sur une plage, un Q-tip inséré dans ma fente, j’ai déballé mon « interviouve » sans gêne. Le médecin est tellement professionnel, ça me déteeeeend.
Je me suis surtout intéressé à l’état de santé de la communauté gaie depuis la commercialisation de la PrEP. Et là, je te vois déjà plisser des yeux devant ce terme qui ressemble à un nouvel élément du tableau périodique. Je t’offre une parenthèse « scientifique ». Ce sera pas long, je le jure sur la tête de Marie-Antoinette. Go!
Pour celles et ceux qui ne le savent pas, la PrEP (de l’anglais pre-exposure prophylaxis, prophylaxie préexposition) est souvent désignée dans le slang populaire comme « une pilule qui empêche de pogner le VIH ». Ouin. Mais pas que!
Plus de 40 ans après la découverte des premiers cas en juin 1981, qu’en est-il du VIH et du sida? Est-il possible de vivre avec le VIH et, surtout, est-on contagieux (ou contagieuse, puisque le VIH ne touche pas que les hommes) même sous traitement?
Plus précisément, la PrEP est un « antirétroviral ». « Mais ça mange quoi en hiver, ça, Juju? » C’est un médicament qui empêche la réplication d’un virus en bloquant certaines de ses étapes.
Concrètement, « les molécules antirétrovirales bloquent le processus du virus lorsqu’il s’attaque aux globules blancs (les globules blancs te protégeant des infections, leur destruction est le principal mécanisme du VIH pour se reproduire) ».
En gros, le VIH sabote ton système immunitaire, comme s’il faisait tomber tes murailles pendant une guerre. La PrEP, elle, bloque les méchants petits soldats avant qu’ils tentent de faire tomber tes murailles.
Il s’agit donc de prendre un traitement avant une exposition pour réduire le risque de contracter le VIH.
Ça semble magique, et ça l’est un peu, mais ce n’est pas miraculeux. La PrEP « est une stratégie complémentaire de prévention du VIH qui peut être utilisée par des personnes séronégatives dans un contexte de relations sexuelles à risque ». Par relation sexuelle à risque, on entend une relation sexuelle anale ou vaginale où tu n’utilises pas le condom et/ou où tu ne connais pas le statut VIH actuel d’un ou de plusieurs de tes partenaires.
La PrEP est prise de façon continue sous la forme d’une pilule ingérée chaque jour à la même heure ou encore de façon intermittente. Actuellement, au Canada, le seul médicament PrEP sous ordonnance est le Truvada.
Il est à noter que la PrEP n’est pas disponible en vente libre; tu auras besoin de la prescription d’un médecin pour t’en procurer. À ce jour, le taux d’efficacité de la PrEP démontrée par les études cliniques varie entre 86 % et 99 %.
Une fois sous PrEP, tu dois être suivi·e par un·e médecin tous les trois mois (ou selon les recommandations de ton ou ta médecin) afin de renouveler ta prescription, de faire un dépistage et d’évaluer les effets secondaires indésirables que la PrEP peut avoir sur toi (p. ex. étourdissements, maux de tête ou de cœur, diarrhée).
Bah non, on ne te donnera pas ces pilules géniales en te laissant vaquer à tes occupations pour l’éternité : tu seras encadré·e dans la prise de ton traitement. Cette partie counselling est super intéressante et importante puisqu’elle permet aux individus de prendre conscience de l’impact de leurs pratiques sexuelles sur leur santé, le tout encadré par un·e professionnel·le de la santé.
Fin de la parenthèse et retour à la clinique du Quartier latin, mes pantalons désormais remontés et mon sang remplissant sagement les deux fioles du prélèvement sanguin.
Mon calepin de jeune journaliste assoiffé de connaissances bien sorti, je demande à mon médecin si la propagation des infections transmises sexuellement et par le sang (ITSS) dans la communauté gaie a changé depuis la mise en marché de la PrEP. Sa réponse me laisse déconfit comme un canard.
Mon médecin souligne que depuis que la PrEP a été popularisée chez les hommes gais, il y aurait une augmentation des cas de syphilis et de gonorrhée au Québec.
Comment expliquer ça? En fait, m’annonce-t-il en me demandant d’ouvrir la bouche pour faire un prélèvement sur ma glotte, c’est une question d’éducation et de mythe.
Il m’explique que beaucoup de personnes qui prennent la PrEP éprouvent un sentiment d’invincibilité, comme si la PrEP les protégeait contre TOUTES les ITSS. Du coup, le port du condom apparaît optionnel et les autres infections ont la voie libre. À vos marques… PARTY GONORRHÉE!
Sur l’application de rencontres (lire de hookups) Grindr, fière de ses plus de 4,5 millions d’usager·ère·s, il est d’ailleurs possible pour les personnes le désirant de mentionner sur leur profil si elles sont, ou non, sous PrEP. Il est aussi possible d’inscrire son statut de VIH. Cette particularité de l’application révèle frontalement sa vocation d’outil à hookups mais, par ailleurs, responsabilise les utilisateurs face à leur santé sexuelle et à celle de leur·s partenaire·s.
Si la PrEP marque une avancée prodigieuse dans la lutte contre le VIH (ben oui, je suis pas si rabat-joie), il ne faut cependant pas baisser les bras et comprendre qu’il s’agit d’une stratégie complémentaire de prévention du VIH. À moins de connaître l’état de santé sexuelle de son, sa ou ses partenaire·s, le port du condom est de mise.
Mais là, j’te vois venir avec ta question qui tue : « La PrEP, dans l’fond, Justin, c’est pour les hommes frivoles qui veulent enfiler leurs partenaires l’un après l’autre comme des billes sur un bracelet Pandora? »
BAH NON. Supposons que je tombe éperdument amoureux d’une personne séropositive qui ne suit pas de traitement anti-VIH et dont la charge virale n’est pas indétectable, et qu’on souhaite avoir des relations sexuelles sans angoisser, ben la PrEP est une belle façon de contrecarrer les risques de transmission et de nourrir une intimité enrichissante dans la couchette.
Je me rappelle avoir eu un hookup Grindr (mea culpa, mom) quelque temps après mon passage à la clinique de dépistage. Alors qu’on commençait à explorer chaque recoin de notre bouche avec nos langues, un des doigts du coquin caressant mon anus, le p’tit maudit me souffle à l’oreille : « Je veux te pénétrer bareback. T’inquiète, je suis sous PrEP. »
Pas besoin de te dire que je suis venu raide comme un dos après une journée à la Ronde et que je lui ai déballé ma gibelotte scientifique. Puis on a encapuchonné son beau zizi dans un condom et tout s’est déroulé dans l’harmonie.
Loin de moi l’envie de sonner comme une publicité du gouvernement du Canada… mais la protection a toujours meilleur goût, mon coco. Can I get an amen?
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