J’ai enregistré de la porno audio

Le titre de cet article laisse peu de place à l’imagination. Ou peut-être qu’il en laisse beaucoup. Enfin, il m’est arrivé exactement ce qui est écrit : j’ai enregistré de la porn audio pour une application de masturbation guidée. Si tu ignorais jusqu’ici l’existence de cette sous-branche de la pornographie, ce n’est pas tout à fait comme écouter la bande sonore de ton film préféré, Voyage en République cul-minicaine. Pense plutôt à un balado érotique, ou à un récit très, très explicite avec une couple de bruitages faits maison.

Mine de rien, cette expérience m’a permis de réaliser deux, trois affaires sur mon rapport à l’érotisme, à la pornographie, à mes cinq sens pis à l’ASMR (scoop : sainte-bénite que j’haïs ça). Ce qui a débuté par un message du Club Sexu – « Heille, ça te tenterait-tu d’enregistrer de la porn audio pis d’écrire un article là-dessus? » – s’est avéré être un profond voyage au fond de moi-même (oui, oui, je sais comment c’te phrase-là sonne dans le contexte!).

L’histoire que j’ai lue dans un micro en y insufflant beaucoup de respirations langoureuses, je l’ai en fait d’abord écrite. Ouin. J’ai écrit une scène de sexe avec des descriptions pointilleuses sur la quantité de bave et de dilatation d’anus. 

J’ai beau écrire régulièrement, je n’avais jamais encore trempé ma plume dans une scène de sexe explicite. Pis sais-tu, c’est moins facile d’approche qu’on aurait tendance à le penser! Ce ne sont pas les fantasmes qui manquent ou l’imagination qui donne du fil à retordre, mais aussi titillé l’esprit soit-il, décrire le sexe en restant captivant, c’est hard. Si on ne se tanne pas de voir deux personnes frencher à pleine bouche sur un écran, y’a une limite au nombre de fois que tu peux dire au micro « je t’embrasse » sans faire décrocher ton auditoire. 

Les questions s’empilent plus vite que les corps se dénudent. Qu’est-ce qu’on trouve chaud dans le sexe au juste? Les caresses? Les fluides? Les sons? Qu’est-ce que je vais chercher dans la porn que j’aurais envie de ramener, ou pas, dans mon histoire? 

C’est peut-être ben biaisé, mais la porn audio, parce qu’elle s’adresse directement à l’auditeur·trice qu’elle place au centre de l’histoire, rend l’expérience plus singulière – voire intime – que de regarder des gens baiser sur un écran. C’est méditatif. 

Après tout, quand je te susurre à l’oreille : « Tu cambres ton dos, exposes encore plus ton petit cul. C’est ton anniversaire, mais tu t’offres en cadeau. Ma langue se glisse à nouveau contre ton anus. J’appuie une légère pression. Tu adores. Ta respiration se fait de plus en plus rapide… », pas le choix de t’abandonner au moment présent. 

Qu’on ne me méprenne pas! Je resterai défenderesse de Voyage en République cul-minicaine; la porno audio n’est pas nécessairement mieux que la porno vidéo. C’est juste… différent. À date, ma meilleure comparaison, c’est ça : écouter sa porno au lieu de la regarder, c’est l’équivalent d’aller manger au restaurant dans le noir. Le cœur de l’expérience reste le même, mais tu l’approches différemment. 

J’ai dû m’y prendre à plus d’une reprise avant de pouvoir finir mon texte sans devoir d’abord me finir. Disons qu’écrire des histoires chaudes comme la braise, ça ne laisse pas de glace. 

Le bas ventre en fête, je me suis dirigée vers l’enregistrement ou, comme on l’appelle, le vrai fun. Contrairement à ce que me racontait mon ex qui doublait des pornos américains en français international pour rembourser ses dettes à sa sortie de l’école de théâtre – son interprétation d’un gras « alors, tu la veux ma bite? » mérite un Gémeaux –, ma séance en studio, elle, s’est déroulée en toute bienveillance avec ben des petits rires nerveux. 

Faut dire que dans ma couchette à moi, le dirty talk, c’est plus en joke qu’autre chose. J’ai pas le sexu très sérieux, qu’est-ce tu veux.

Il fait genre mille degrés. L’été est encore arrivé trop tôt à Montréal. Je suis toute seule dans le booth à m’entendre respirer en surround dans mes écouteurs. J’ai chaud. Je sue raide. Pas tout à fait le mouillé qu’on recherche, mais on va faire avec ce qu’on a. 

Je révise ce que j’ai écrit. C’est un long monologue imagé. J’y raconte ce que je te fais à toi – l’auditeur ou l’auditrice –, lentement et en détails. Comment je t’embrasse, puis te lèche l’anus, puis t’insère un dildo dans le cul sous tes gémissements incessants. J’essaie de lire la première phrase au micro. Je décroche direct.

C’est pas sérieux, mon affaire. 

Seigneur.

Ça va être long.

Il me faut une minute ou deux. J’enchaine quelques blagues autodérisoires. Rire, c’est sexy, non? J’entends les rires bienveillants de l’équipe de production dans mes écouteurs, puis les encouragements. Je me détends. 

C’est drôle, parce que je réalise qu’enregistrer de la porno audio provoque chez moi les mêmes insécurités qui se présentent par temps chauds. La pression de performance m’a suivie jusqu’ici. Au lit comme au micro, j’ai peur qu’on me trouve plate. Ou poche. Ou fake. Ou… Vous voyez le portrait? 

J’ai beau livrer avec assurance comment je t’encule jusqu’à ce que tu t’en baves dessus, dans le réel, j’ai les genoux mous et les mains moites.

Mais de l’autre bord de la vitre qui sépare le booth de la console, j’ai de supers partenaires. On m’écoute. On me rassure. On m’encourage à rester dans le moment présent. C’est ça qui compte. C’est de se sentir bien entouré·e. Après tout, être à plusieurs, ça peut être le fun. 

Je prends mes aises peu à peu. Je recommence ma première ligne. Ma sensualité décide enfin de s’inviter au party. Je gémis un peu dans le micro. Je joue le jeu. 

On canne le tout, et je ressors du booth avec une nouvelle réflexion en tête : la porno demande beaucoup de vulnérabilité.

***

Ça t’a titillé l’envie de porno audio? Voici par où commencer ton immersion tout en sensualité :

Oui.e : un balado queb des plus chauds, inclusif et axé sur le consentement. Oh, et ce petit plaisir est gratuit!

Dipsea : un projet sex positive fondé à San Francisco qui veut s’éloigner du male gaze qui domine la porno classique. Tu peux en faire l’essai gratuitement, puis t’abonner mensuellement ou annuellement si tu en veux plus.

Voxxx : basé en France, Voxxx propose une large sélection de séances de masturbation guidée et d’histoires érotiques. Inscription nécessaire, mais écoute gratuite.

Coxxx : le penchant masculin de Voxxx, on y propose une sélection de textes s’adressant davantage aux hommes et aux personnes dotés d’un pénis.

Si la lecture de cet article a piqué ta curiosité, il y a un épisode de notre balado À quoi tu jouis? qui aborde les mythes et réalités de la pornographie.