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Résumé
À la sortie d’une banale réunion de travail, une tension sexuelle entre collègues prend des allures surréalistes. Sauras-tu distinguer le fantasme de la réalité?
« Une autre affaire qui aurait pu être un courriel », qu’il me glisse à l’oreille. Carl recule dans sa chaise, satisfait de sa finesse.
J’arrête de sourire. Ne pas avoir l’air trop complice. Surtout ne pas montrer que la sensation de son souffle qui s’éternise juste sous mon oreille m’excite. Le sang qui afflue à mes joues me trahit bien assez.
Je le regarde. Il ne me regarde plus, il s’est tourné vers notre cheffe d’équipe.
Je me perds dans le creux de sa nuque, dans le relief de sa pomme d’Adam, dans la fine repousse de sa barbe qui date de deux jours, tout au plus. Je pense au rasoir qui est passé sur son visage, à sa mâchoire tendue, aux mouvements légers de son poignet et à ses yeux fatigués du matin que je ne demande qu’à connaître.
Je passe ma langue sur ma lèvre inférieure, ma langue qui aimerait tant retracer le trajet des lames sur sa peau, le coin de sa bouche, la pointe de son menton, la base de son cou.
Je pense au bruit que ferait sa ceinture s’il la détachait ici, maintenant, s’il la lançait sur la table avant de m’y jeter à plat ventre, de relever ma jupe, de descendre ma culotte et de lécher toute la longueur de ma raie avant de me pénétrer doucereusement.
Je secoue la tête, minuscule frisson pour effacer de ma tête notre baise imaginaire.
Jusqu’à vendredi dernier, Carl n’était qu’un collègue de travail, Carl était banal, Carl me laissait complètement indifférente. Puis, il y a eu cette seconde aux reflets mauves, cette seconde où la lumière de l’écran de karaoké reflétait parfaitement dans les gouttes de sueur de Carl, cette seconde où le monde bascule. Et le goût de la tequila, et ce fucking synthé de Joy Division, ce fucking synthé de Joy Division.
Get a taste in my mouth as desperation takes hold…
J’étais pas censée trouver ça le fun, un party de bureau.
Mon épaule, ma hanche, ma taille, ma cuisse : autant de nouvelles zones érogènes depuis qu’il s’est assis à côté de moi. Toute la peau de mon côté gauche est devenue aussi sensible que la pointe de mes mamelons pour se délecter d’être si près de lui.
Carl se penche vers moi, il est sur le point de me dire quelque chose. J’ai la peur absurde qu’il soit capable de lire dans mes pensées, mon ventre se serre, je panique comme un cerf devant les phares d’un camion.
Quelqu’un se lève pour aller éteindre les lumières, le projecteur s’allume : ordre du jour. Carl se ravise et se cale au fond de sa chaise en raclant sa gorge. Je suis incapable de me concentrer, son mollet effleure le mien, un courant électrique monte de ma cheville jusqu’à ma vulve. Quelque chose de chaud se met à palpiter sous mon sternum et dans mon sexe.
Oui, cette réunion aurait pu être un courriel, mais un courriel m’aurait privé de la suavité d’attendre que Carl se lève du cubicule adjacent au mien, de mesurer chacun de mes pas pour le dépasser dans le couloir juste assez étroit pour que, sans le frôler, je sente la chaleur qui émane de son corps.
Pendant la seconde où j’ai presque frôlé Carl, j’ai imaginé la sensation de son bassin qui me cloue contre le mur du couloir, de ses doigts qui déchirent lentement mes collants résille, j’ai imaginé sa voix essoufflée me dire : « C’est ça que tu voulais, que je te baise assez fort pour que tout le monde inscrive chacun de tes orgasmes à l’ordre du jour? »
Je veux qu’il me prenne contre la baie vitrée de la salle de réunion, qu’il me force à révéler mon désir au grand jour et m’en soulage du même coup.
Carl me voit fixer la sortie. Au moment où il me demande en chuchotant si je veux partir, la porte de la salle de réunion s’ouvre. Une ruée bleue et orange s’engouffre dans la salle : des monarques et des morphos. Nos collègues crient et sortent en panique. Je me lève mais fige aussitôt, les papillons sont trop nombreux, je ne vois qu’un brouillard de couleurs.
Puis, le silence : la salle est vide. Ne reste plus que Carl, parfaitement calme. Tous les papillons se sont posés sur moi, aucune parcelle ni de ma peau ni de mes vêtements n’est visible.
« Bouge pas. Faut pas qu’ils s’envolent. »
Je cligne des yeux, quelques monarques virevoltent autour de ma tête. Deux papillons bleus se posent sur mes lèvres. Je respire à peine.
Carl s’approche lentement, ses doigts contournent les ailes des papillons pour déboutonner mon chemisier. Sans qu’un papillon ne s’envole, il glisse doucement sa main sous le tissu et caresse mon sein. La lenteur extrême avec laquelle il fait des mouvements circulaires autour de mon mamelon étire le temps, enivre les monarques, emplit ma bouche de lumière mauve. Je salive, j’aimerais que les papillons me laissent tranquille pour que je puisse le sucer.
La main de Carl descend sous ma jupe. Les monarques et les morphos le suivent, leurs ailes chatouillent l’intérieur de mes cuisses et je tremble, je contracte tous les muscles de mon corps pour éviter qu’un spasme de plaisir ne m’en fasse écraser un.
« J’aime la manière dont tu passes tes doigts sur tes lèvres quand tu t’ennuies. J’ai toujours voulu te faire la même chose ici. »
Autour de mon clitoris, la même lenteur, la même délicatesse. Sans le vouloir, je le supplie à voix haute de me laisser le sucer. « Non », qu’il me répond avant de me lécher derrière l’oreille, de dégager mes seins de mon soutien-gorge de son autre main, de détacher son pantalon, de –
Les lumières se rallument. Fuck. J’ai perdu le fil, faudra que je recommence. Je jette un coup d’œil à ma gauche : Carl est dans la lune, les yeux dans mon décolleté. Il me voit le regarder, se détourne aussitôt. Son visage rougit, ça ne dure qu’une fraction de seconde, juste assez pour que de ma bouche s’échappent deux, trois morphos.
« Carl? Qu’est-ce que tu fais ce soir? »
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