Le droit à l’avortement au Canada : on en est où?

Résumé

What’s up avec le droit à l’avortement au Canada? On fait le point sur la situation actuelle, sur nos droits et sur l’accès. On décortique également ce qui fait qu’une ressource est pro-choix et comment reconnaître les ressources anti-choix.

Depuis quelques années, la situation de nos voisin·e·s du Sud fait resurgir le débat sur le droit à l’avortement. On se demande chaque année si, nous aussi au Canada, on pourrait perdre notre droit à l’avortement… car rappelons-le : aucune loi fédérale n’encadre actuellement l’accès à l’avortement. 

On fait le point sur la situation actuelle et sur comment trouver des ressources de confiance.

Un bref historique du droit à l’avortement au Canada

En 1869, l’avortement devient crimialisé au Canada. Toute personne qui se fait avorter ou qui procure un avortement est passible d’emprisonnement à vie.

Des avortements clandestins sont quand même réalisés. La plupart sont effectués de façon non sécuritaire, causant des complications et parfois la mort (Burnett, 2019). Dans les années 1960, les complications liées aux avortements clandestins sont d’ailleurs la principale cause d’hospitalisation des Canadiennes (Lachance, 2013).

En 1969, le gouvernement de Pierre Elliott Trudeau propose un projet de loi qui décriminalise l’avortement. Yay! Par contre, il doit être « thérapeutique », c’est-à-dire :

  • avoir lieu pour une raison médicale; 
  • être réalisé dans un hôpital accrédité;
  • être approuvé par un comité de trois médecins.

Le Québec n’attend pas après le Canada et finance une première clinique en 1966.

En 1976, un programme d’accès à l’avortement rend le service disponible dans les CLSC, malgré la criminalisation au niveau fédéral. Pas mal badass

C’est vers la fin des années 1970 qu’un mouvement social émerge pour rendre accessible l’avortement sur demande, peu importe la raison (médicale ou pas) . Suite à des affaires judiciaires liées à des avortements, des décisions clés sont rendues et façonnent le droit à l’avortement au Canada tel qu’il est connu aujourd’hui.

  • L’arrêt Morgentaler en 1988 annule la loi criminalisant l’avortement, qui est déclarée comme allant à l’encontre de la Charte canadienne des droits et libertés. L’avortement est donc légal tout au long de la grossesse.
  • L’histoire de Chantale Daigle en 1989 : il est décidé que le géniteur du fœtus n’a pas de droits sur le fœtus, que le fœtus n’a pas de statut juridique et donc, pas de droits.
  • Après qu’une femme enceinte soit poursuivie pour avoir été impliquée dans un accident de voiture dommageable pour la santé de son foetus, il est décidé qu’une personne enceinte ne peut être tenue responsable de la négligence pouvant porter atteinte au fœtus.

Pour en savoir plus sur les affaires judiciaires au cœur de ces décisions, on vous recommande le balado Avortement : un pays pas comme les autres, qui dresse un portrait détaillé du droit à l’avortement au Canada.

Aujourd’hui, on a accès à l’avortement peu importe le motif, sans limite gestationnelle.  

Par contre, c’est loin d’être un droit acquis : depuis les années 1990, plus d’une cinquantaine de projets de loi ont été déposés pour légiférer et restreindre l’accès à l’avortement. Pourquoi alors ne pas créer une loi pour protéger ce droit? Selon plusieurs groupes militants pour l’accès à l’avortement, c’est justemement l’absence de loi qui protège l’accès au Canada, car aucune loi ne peut être attaquée ou modifiée par des groupes militants anti-choix.

On a le droit, mais a-t-on accès?

Au Québec, l’avortement, peu importe la méthode, est gratuit pour les personne couvertes par la Régie de l’assurance maladie du Québec (RAMQ) ou le Programme fédéral de santé intérimaire (PFSI). Deux méthodes d’interruption de grossesse sont disponibles : par instruments ou par médicaments.

La pilule abortive a fait son entrée au Canada en 2016… soit 28 ans après la France (but who’s counting?).

Elle permet d’interrompre une grossesse aux premier et deuxième trimestres, sans instruments. Les principaux avantages sont que l’avortement se fait à la maison, ce qui favorise l’intimité et la confidentialité, et que la pilule abortive peut être prescrite par des professionnel·le·s de la santé qui n’ont pas de formation pour les avortements par instruments.

L’arrivée de la pilule abortive était supposée augmenter et diversifier l’accès à l’avortement en offrant plus d’options, mais ce n’est pas tout à fait ce qui s’est produit : plusieurs cliniques qui offraient l’avortement par instruments ont simplement remplacé leurs services par la pilule abortive.

Et bien que la pilule abortive puisse sembler être la solution parfaite, l’avortement par instruments est préféré dans 60 % des cas (Institut canadien d’information sur la santé, 2024). En effet, plusieurs personnes préfèrent l’option par instruments, non seulement parce que c’est plus rapide et que c’est rassurant d’être pris·e en charge par des professionnel·le·s plutôt que seul·e à la maison, mais aussi parce qu’il peut être réalisé à tout moment de la grossesse, comparativement à la pilule abortive. 

L’accès est donc limité par le manque de choix aux personnes, puisque les deux services ne sont pas offerts dans des conditions comparables : l’avortement par instruments nécessite parfois plus de délais ou de déplacements. Et le temps est important pour une grossesse qu’on veut interrompre, car plusieurs changements corporels non désirés peuvent survenir, sans parler de la charge émotionnelle et psychologique qui peut les accompagner.  

Et malgré un accès qui se démarque à l’échelle internationale, on n’est pas à l’abri des barrières à l’accès :

  • il est plus facile d’obtenir un avortement au premier trimestre qu’au deuxième ou au troisième, car certains médecins ou établissements pourraient refuser de le faire;
  • l’accès est plus difficile pour les personnes dont la première langue n’est ni l’anglais ni le français;
  • le service d’avortement peut nécessiter pour certaines personnes de se déplacer et de devoir prendre congé de ses activités.

Notre collaboratrice Mia raconte dans ce témoignage son expérience d’avortement, sans regrets, soulignant l’importance du choix, du soutien et la nécessité de discuter de l’avortement sans stigmatisation.

Comment trouver une ressource de confiance

C’est quoi, une ressource pro-choix?

Selon la Fédération du Québec pour la planning familiale (FPQN), une ressource pro-choix favorise avant tout le libre-choix des personnes enceintes, c’est-à-dire la possibilité de choisir si et quand elles veulent des enfants. Adopter une position pro-choix, ça veut aussi dire défendre l’accès libre et gratuit à l’avortement, à la contraception et à l’éducation à la sexualité. 

Qu’est-ce que peut offrir une ressource pro-choix face à une grossesse non planifiée?

Ces ressources incluent des regroupements féministes, des organismes communautaires et d’autres organisations qui sont là pour aider à faire un choix libre et éclairé. Elles accompagnent dans les démarches, que la décision soit de poursuivre ou d’interrompre la grossesse . Celles-ci offrent un espace de soutien et de discussion, tout en donnant accès à de l’information fiable. Elles vont également communiquer toutes les options disponibles et orientent vers les services appropriés. Par exemple, SOS Grossesse (Québec, Estrie) ou Grossesse Secours (Montréal) offrent des services de soutien par clavardage, par téléphone ou en personne de manière confidentielle et surtout, sans jugement.

Parmi les ressources pro-choix, on compte aussi des cliniques pro-choix. Celles-ci offrent des services d’avortement (par instruments ou par médicaments) et cela, encore une fois, sans jugement. On y retrouve également d’autres services, comme des tests de grossesse (à faire à la clinique ou à la maison), des échographies, des moyens de contraceptions, du soutien par des professionnel·le·s en santé mentale certifié·e·s ou du soutien par les pairs .

Trouver une ressource réellement pro-choix, c’est important, parce les besoins de la personne enceinte seront toujours priorisés.

Malheureusement, certaines ressources s’affichent comme étant impartiales face au processus décisionnel, mais tentent en réalité de convaincre leurs bénéficiaires de poursuivre leur grossesse (on en parle un peu plus bas).

Liste (non exhaustive) de ressources pro-choix au Québec :

Les ressources anti-choix : les centres de crise de grossesse (CCG)

Certaines ressources d’aide à la grossesse, telles que les CCG (aussi appelées centre de grossesse d’urgence), se présentent comme des cliniques médicales ou des centres de consultation impartiaux pour aider à faire un choix dans la poursuite ou la terminaison de ta grossesse. En réalité, elles ont un agenda anti-choix (pro-vie). À noter que certaines ont aussi des affiliations religieuses (divulguées ou non).

En fait, ces centres ne sont pas des établissements médicaux; shocker.

Les personnes conseillères de ces cliniques utilisent plusieurs techniques ou informations erronées dans le but de dissuader la personne enceinte de se faire avorter. Ceci empêche les personnes de prendre des décisions libres et éclairées et peut même retarder l’accès à l’avortement et à d’autres services de santé.

Good to know : la FQPN a créé un dépliant bien utile pour détecter les CCG. On te recommande de le consulter pour connaître les principaux red flags, mais en gros, voici les principaux : 

Premier red flag. L’avortement est déconseillé et les seules options proposées sont la parentalité ou l’adoption, sans tenir compte des besoins de la personne enceinte. 

Deuxième red flag. Le centre se présente comme une clinique spécialisée en grossesse, mais n’offre pas de service d’avortement ou de référencement.

Troisième red flag. Le vocabulaire utilisé pour parler d’un fœtus n’est pas neutre comme « bébé » ou « enfant » (l’humanisation du fœtus… pas nécessaire). 

Dans le doute, c’est possible de contacter la ressource directement et de poser des questions sur les options offertes pour les interruptions de grossesse. Si les services offerts ne sont pas clairement définis ou si la clinique se présente comme étant spécialisée dans l’avortement, mais n’en pratique pas ou ne fournit pas de méthodes pour prévenir les grossesses comme la contraception, c’est mauvais signe.

En cas de doute, on se fait confiance : un malaise ou une impression que la ressource ne prend pas en compte les besoins des personnes est probablement un signe que ce n’est pas la bonne ressource pour le libre-choix.

Pourquoi les hommes devraient-ils se sentir concernés par le droit à l’avortement? Notre collaborateur Charles-Étienne s’est penché sur le mythe que l’avortement concerne uniquement les personnes ayant un utérus.


  • Arthur, J., Downey, A., Katelieva, A., Jensen, O., Mitchell, K., & Phelps Bondaroff, T. N. (2023, 8 mars). Examining the websites of anti-choice « crisis pregnancy centres”. Coalition pour le droit à l’avortement au Canada et BC Humanist Association. https://www.arcc-cdac.ca/media/crisis-pregnancy-centres/cpc-website-review-2023.pdf

    Burnett, M. (2019). L’histoire de l’avortement au Canada : la quête des droits génésiques des femmes. Journal of obstetrics and gynecology Canada, 41, 2, S296–S298. https://doi.org/10.1016/j.jogc.2019.09.018
    Center for Reproductive Rights. (n.d.). After Roe Fell: Abortion laws by state. https://reproductiverights.org/maps/abortion-laws-by-state/
    Éducaloi (2023, 25 mai). La course contre la montre de Chantale Daigle. https://educaloi.qc.ca/decryptage/la-course-contre-la-montre-de-chantale-daigle/
    Fédération du Québec pour le planning des naissances. (n.d.). Grossesse non planifiée : Le libre choix au Québec. https://fqpn.qc.ca/article/grossesse-non-planifiee/#le-libre-choix-au-qu-bec
    Institut canadien d’information sur la santé (2024). Avortements provoqués déclarés au Canada en 2022. https://www.cihi.ca/fr/avortements-provoques-au-canada

    Lachance, 2013. Le droit à l’avortement : 25 ans de reconnaissance officielle. Conseil du statut de la femme, Montréal, 2013, 24 p.