Dater quand on vit avec l’herpès ou le VIH

Comment réagiriez-vous si la personne que vous fréquentez vous annonçait qu’elle vit avec une infection transmissible sexuellement et par le sang (ITSS) chronique, comme l’herpès, le virus de l’immunodéficience humaine (VIH), le virus du papillome humain (VPH) ou l’hépatite B? Prendriez-vous vos jambes à votre cou ou tenteriez-vous de comprendre sa réalité?

Alex* a été témoin de toutes sortes de réactions depuis qu’iel vit avec le VIH et qu’iel dévoile son diagnostic à ses partenaires potentiel·le·s.

« Ça arrive que la discussion se finisse assez rapidement et que la personne ne me reparle pas, mais j’ai aussi de plus en plus de belles réactions, parce que je crois que les gens sont de plus en plus informés », indique-t-iel. 

Alex avait 26 ans lorsqu’iel a reçu son diagnostic, qu’iel compare à « un coup de pelle en pleine face ». 

« C’est bizarre à dire, mais dans la communauté gaie – parce que je m’identifiais comme homme gai à l’époque de mon diagnostic –, j’ai l’impression que c’était un peu banalisé d’avoir le VIH, raconte Alex. On dirait que dans ma tête, c’était juste : “Ben si je l’attrape, je l’attraperai, c’est pas la fin du monde.” Donc, j’avais souvent des relations non protégées. Mais quand j’ai reçu mon diagnostic, ç’a été un choc. Je ne trouvais plus ça banal du tout. »

Aujourd’hui âgé·e de 37 ans, Alex vit bien avec sa séropositivité. Mis à part la prise quotidienne de médicaments antirétroviraux pour contrôler le virus, sa vie demeure relativement inchangée… sauf quand vient le temps de dater

Sur Grindr, l’application de rencontre qu’iel utilise le plus, Alex indique son statut sérologique directement sur son profil. Lorsqu’une personne lui écrit, ce n’est pas rare qu’elle aborde d’emblée le sujet, parfois avant même de l’avoir salué·e. 

« Des fois, ça manque vraiment de tact, souligne Alex. On va me demander par exemple : “Coucher avec toi, c’est-tu dangereux?” J’essaie quand même de le prendre positivement, parce que je me dis que même si ce n’est pas la meilleure façon de me demander ça, c’est peut-être la seule façon que cette personne-là va être éduquée sur le sujet. »

Lorsqu’Alex rencontre un·e partenaire potentiel·le hors des applications de rencontre, iel préfère dévoiler sa séropositivité en personne ou par téléphone. 

« Ça fait partie des premières informations que je vais donner à la personne, mentionne-t-iel. Par texto, j’ai eu plutôt de mauvaises expériences. Je me faisais quasiment toujours ghoster. Mais en personne ou par téléphone, ça se passe généralement mieux. »

« Je préfère en parler dès le début plutôt que juste avant d’avoir une relation sexuelle par exemple, parce que je trouve que quand il y a un build up [de tension sexuelle], c’est un peu poche de péter la balloune en annonçant ça, ajoute-t-iel. Ce n’est pas le meilleur moment selon moi. »

Avec les années, Alex remarque que les gens semblent de plus en plus ouverts face à son diagnostic. 

« Les gens sont plus informés qu’avant au sujet de la PrEP, la charge virale, etc. Les gens vont souvent me poser des questions sur certaines pratiques, comme : “Si je te fais une fellation, c’est-tu dangereux?” Sinon, ils me demandent comment je l’ai attrapé, si je prends un traitement, c’est quoi les risques pour eux… »

Faire preuve de curiosité, c’est exactement le genre d’attitude qu’Alex aimerait que les gens adoptent lorsqu’on leur divulgue un diagnostic d’ITSS. 

« Au lieu de juste partir et de me faire sentir comme si j’étais juste un virus ambulant, j’aime que les gens me posent des questions et essaient de comprendre, dit-iel. On est des humains comme les autres et on vit avec ça tous les jours, donc on est bien placé·e pour expliquer ce que ça implique. »

« Je croyais que ma vie sexuelle était terminée »

Emma*, Alice* et Marie-Pier*, qui vivent toutes les trois avec l’herpès génital, abondent dans le même sens qu’Alex. Selon elles, la bienveillance et l’ouverture d’esprit sont les clés pour entamer le dialogue avec quelqu’un·e qui nous annonce vivre avec une ITSS chronique.

Quand Emma a appris qu’elle avait contracté l’herpès génital il y a cinq ans, elle était convaincue que sa vie sexuelle était terminée, que « plus personne ne voudrait [d’elle] ». Et lorsque le premier homme à qui elle a partagé son diagnostic l’a rejetée, elle a cru que sa fausse croyance se confirmait. 

Pourtant, en continuant de dater, elle a rencontré plusieurs personnes qui ne faisaient pas tout un cas de son diagnostic, loin de là.

« Quand j’en ai parlé pour la première fois à mon chum actuel, il a bien accueilli ça, raconte la femme de 31 ans. Il était ouvert, et le fait que je m’étais beaucoup informée, ça m’a permis de bien lui expliquer mon diagnostic et de le rassurer. On a regardé les informations ensemble, on en a discuté. Jamais il ne m’a fait sentir inadéquate. »

Alice et Marie-Pier ont eu des expériences similaires. « J’ai rencontré quelques personnes qui ont eu peur, mais ce n’était pas des relations très sérieuses, indique Alice. Sinon, la plupart du temps, les gens me posaient des questions et ça allait. »

« Actuellement, je suis dans une relation amoureuse et, au début, mon copain a eu besoin d’un peu de temps pour s’informer, et je lui ai donné ce temps-là, poursuit-elle. Mais il ne m’a pas stigmatisée. Et aujourd’hui, quand je vis un épisode symptomatique, je le dis à mon copain et on s’abstient quelques jours, tout simplement. »

« Sois responsable et have fun »

Les trois femmes estiment que les mauvaises réactions qu’elles ont reçues étaient majoritairement causées par un manque d’éducation au sujet de l’herpès, d’où l’importance d’en parler et de « dédramatiser » cette ITSS. Elles recommandent d’ailleurs aux personnes diagnostiquées de bien s’informer afin de pouvoir expliquer clairement les tenants et aboutissants de leur diagnostic à leurs partenaires potentiel·le·s.

« Moi, j’ai consulté une sexologue pour parler de comment dévoiler mon diagnostic, mentionne Marie-Pier. J’ai compris que le choix des mots et du moment de divulgation est important. Il ne faut pas en faire tout un plat : l’herpès ne te définit pas, ce n’est pas l’arrêt de mort de ta vie sexuelle. »

« Quand tu l’annonces à quelqu’un·e, tu peux prendre le temps de citer quelques faits, comme que 67 % de la population est porteuse de l’herpès, qu’en dehors des périodes de crise, le risque de transmission est faible, que si tu sens une poussée, tu vas le dire à la personne et que tu vas prendre ton traitement antiviral le plus vite possible, que tu as tous les outils pour diminuer les risques », ajoute-t-elle.

En parlant du moment de divulgation, Marie-Pier recommande de ne pas attendre d’être « dans le feu de l’action » pour aborder le sujet.

« Ça m’est déjà arrivé d’être avec un gars et de sentir qu’on allait coucher ensemble, et de dire : “Eille s’cuse, t’sais, j’ai l’herpès”, relate-t-elle. Le gars a figé! (rires) C’est mieux de le dire avant si tu peux, pour laisser le temps à la personne de faire ses recherches sur le sujet et de prendre une décision. »

« Et si cette personne fait le choix de ne pas continuer à te voir, il ne faut pas le prendre personnel : ce n’est pas un rejet de toi, ça n’a rien à voir avec qui tu es », rappelle-t-elle.

« Je dirais aux gens qui ont l’herpès : sois responsable et have fun. Y’a des gens que ça rebute, comme des gens qui s’en foutent et d’autres qui trouvent ça hot en maudit que tu sois responsable pis que tu aies plein d’outils pour réduire la transmission », conclut Marie-Pier.

*Noms fictifs