Your cart is currently empty!
Résumé
Accueillir un enfant, ça change tout… même la sexualité! Entre les brassées de lavage, les boires et la fatigue, ce n’est pas toujours évident de nourrir l’intimité au même rythme qu’on nourrit le bébé. Désir qui fluctue, corps qui change, allaitement et peur de la douleur : les défis se succèdent, mais ne se ressemblent pas. Et si l’arrivée d’un poupon faisait naître de nouvelles formes d’intimité en couple?
« Environ huit mois après la naissance de notre fille, j’ai regardé mon chum et je lui ai dit : “Ouais, ben mon amour, on est vraiment rendu·e·s des parents!” », raconte Ariane*, une jeune maman de 34 ans, en couple depuis 6 ans. « L’image était tellement classique : deux trentenaires full cerné·e·s, écrasé·e·s dans le divan, brûlé·e·s ben raide après la routine du dodo, un vendredi soir à 19 h 30. Mettons qu’on a déjà eu des week-ends plus sexu! »
On va se le dire, l’arrivée d’un enfant est un bouleversement magnifique, mais c’est aussi un défi colossal.
Entre les nuits blanches, les purées de courge butternut et la charge mentale, il devient souvent difficile de naviguer les exigences de la vie parentale tout en cultivant une sexualité épanouie et une intimité nourrissante.
Comment réapprivoiser la sexualité? Quelle place lui accorder? Comment faire pour maintenir la connexion entre les partenaires?
Autant de questions auxquelles on a tenté de répondre grâce aux témoignages de jeunes parents et aux lumières de la sexologue Frédérique Provost.
« Dans la sphère périnatale, les motifs de consultation en sexologie les plus fréquents sont la peur de la reprise des relations sexuelles et la baisse ou l’absence de désir sexuel », affirme d’emblée Frédérique Provost, sexologue spécialisée en sexualité périnatale. « La baisse du plaisir sexuel, le manque d’énergie, le sentiment d’être moins désirable et la recherche d’un espace pour reprendre les activités sexuelles sont souvent évoqués dans mon bureau également. »
Selon Frédérique Provost, les peurs liées à la reprise des relations sexuelles sont bien souvent attribuables à une crainte de la douleur, une inquiétude vécue par la moitié des personnes qui ont accouché. C’est précisément ce que décrit Ariane.
« J’ai eu un accouchement compliqué et j’ai tellement peur de souffrir en recommençant à faire l’amour, confie-t-elle. J’ai envie, mais tout mon corps se crispe à l’idée de recevoir une pénétration. »
Le premier conseil de Frédérique Provost : allez-y doucement. « Le retour à la sexualité après un accouchement, ça se fait progressivement », explique l’experte.
« Pour certaines personnes, les activités sexuelles comportant une pénétration vaginale sont reprises après quelques semaines, quelques mois. Mais pour la majorité des couples, on parle d’une bonne année. Il faut se laisser du temps. »
Et si la « contrainte » devenait le point de départ pour explorer de nouvelles pratiques sexuelles qui nous font sentir bien?
« Des compliments, des gestes affectueux, de longs baisers, consommer du contenu pornographique – vidéo, écrit ou audio – ensemble : il y a tellement de façons d’explorer la sexualité sans s’embarquer de front dans ce qui nous fait peur ou ce qui crée de la douleur, poursuit Frédérique Provost. J’aime parler de “redécouvrir” sa sexualité plutôt que de la “retrouver”. C’est presque comme si les jeunes parents étaient des ados qui explorent la sexualité pour la première fois. Ça peut avoir beaucoup de positif. »
« Redécouvrir l’intimité en tant que parent », c’est également la philosophie préconisée par Ozex, une plateforme qui accompagne les parents à se redécouvrir à la suite de la naissance de leur enfant. L’application propose des outils personnalisés d’autosoin adaptés à leur contexte spécifique pour qu’ils puissent se redécouvrir, individuellement et en couple.
Dans la même veine, Frédérique Provost encourage les jeunes parents à se placer dans un état de curiosité afin de cibler ce qui fait du bien et d’accepter que la sexualité évoluera au fil des mois et des années. « On change en fonction des étapes de la vie, alors bien sûr que la sexualité change aussi », ajoute-t-elle.
Les hormones, la fatigue, le stress, l’allaitement, les changements du corps : la liste de ce qui affecte le désir – à la hausse ou à la baisse – est longue.
« Le bébé satisfait une grande partie des besoins affectifs, intimes et physiques, particulièrement chez la personne qui allaite », fait valoir Frédérique Provost, en soulignant que certaines femmes seront comblées simplement grâce aux soins donnés au bébé. « Ainsi, il reste peu de place pour les rapprochements en couple. »
La sexologue incite les futurs parents à entamer une exploration de nouvelles pratiques sexuelles et intimes agréables avant et pendant la grossesse. « Que ce soit à travers des massages, des baisers, des caresses : quand on commence à inclure des pratiques non génitales avant l’accouchement, ça peut nous aider en post-partum », précise la professionnelle.
Si le désir se trouve affecté à la suite de l’arrivée d’un poupon, Frédérique Provost invite les parents à se pencher sur les causes sous-jacentes : y a-t-il une dépression post-partum en jeu? Est-ce que l’intimité dans le couple est mise à mal? Est-on sursaturé·e·s à cause des soins prodigués au bébé? A-t-on un manque d’énergie?
« Le désir est souvent le reflet de quelque chose de plus profond », considère-t-elle.
Et le ou la partenaire qui n’a pas porté l’enfant, pour sa part? L’experte explique que certain·e·s conjoint·e·s ont parfois l’impression de ne plus être désirables, ce qui peut engendrer un sentiment de rejet. « En clinique, je rappelle aux couples qu’ils sont une équipe. Ne rentrons pas dans les accusations et la culpabilisation, cherchons plutôt le compromis et misons sur l’empathie pour essayer de combler les besoins de tous et toutes. »
« Ma blonde et moi avons eu du mal à reprendre notre sexualité après avoir accueilli notre fils. C’est quasiment comme si on ne savait plus comment faire. Tout était weird », raconte Karim*, un papa de 41 ans. « Avec le recul, je pense qu’on “focussait” trop sur la pénétration. On voulait trop que ce soit “comme avant”. »
Frédérique Provost incite les nouveaux parents à faire preuve de créativité. « Le vagin n’est pas obligé d’être impliqué dans une sexualité épanouissante », élabore la sexologue.
Les questions à se poser : avec quoi, moi, je serais à l’aise? Ai-je envie d’être embrassé·e, caressé·e? Ai-je besoin de me coller? Puis-je combler les besoins de mon ou ma partenaire? Puis-je lui accorder de l’attention, ce qui lui montrera que je le ou la trouve attirant·e? « On peut faire ce que l’on se sent prêt·e à faire en tant que personne qui a accouché afin de s’adapter aux besoins de l’autre personne. Le tout, dans une dynamique de consentement, bien sûr. »
Par exemple, si la personne qui a accouché ne ressent pas l’envie ou n’est pas en mesure de s’engager dans une expérience sexuelle, elle peut tout de même offrir de participer à la sexualité de l’autre sans pour autant engager son propre corps, au même degré. Elle peut, par exemple, masturber son ou sa partenaire, participer à son orgasme, l’exciter avec des paroles, des textos, des lettres érotiques, etc. Et les deux peuvent trouver du plaisir là-dedans.
La sexologue, qui souligne les vertus de la communication empathique, invite également les couples à explorer la sensualité et l’érotisme. Les regards profonds, les paroles douces, les compliments, les touchers chaleureux : ces petits gestes quotidiens peuvent contribuer à maintenir une complicité. « Prendre une minute pour se regarder, se faire un câlin bien fort, peut faire toute la différence. Même si c’est loin de la sexualité que l’on a en tête, ça peut aider à trouver un équilibre et maintenir une connexion, malgré l’écart de désir qui existe potentiellement. »
« Ce que j’ai trouvé le plus challengeant, c’est le changement de fonction de mes seins », confie Mélanie*, une jeune maman de 32 ans. « Ma blonde trippe sur mes seins, elle a toujours le goût de se les mettre dans la bouche (rires) […] On a décidé d’allaiter le bébé, alors c’est sûr que ça change un peu la game. C’est comme si on savait plus quoi faire avec mes seins pendant nos moments intimes. C’est presque comme si, maintenant, mes boobs appartenaient au bébé. C’est une adaptation, ça évolue, mais c’est pas inintéressant. »
Frédérique Provost explique que dans le cas des personnes qui allaitent, les seins, jadis érotiques, cochent désormais la case nourricière. « Lorsqu’il y a une éjection de lait, qui est tout à fait normale, pendant une relation sexuelle, ça peut prendre par surprise. Ça vient mettre en confrontation les fonctions érotique et nourricière des seins », indique la spécialiste.
Si l’écoulement de lait pendant un rapport intime nous rend inconfortable, elle suggère d’allaiter juste avant, ce qui peut diminuer les chances de flux. Il est également possible de porter un soutien-gorge avec des tampons absorbants. « Bien sûr, on peut aussi voir le lait maternel comme quelque chose d’érotique. Ça dépend des personnes. »
Il est fréquent, comme le décrit Mélanie, d’avoir l’impression que les seins ne nous appartiennent plus après une grossesse. Frédérique Provost propose de les regarder, de les caresser afin de se réapproprier cette partie de son corps. « C’est correct d’avoir envie de prendre soin de soi, de se feeler », rappelle la sexologue.
En conclusion, Frédérique Provost réitère l’importance de prendre son temps. En effet, si la sexualité n’est pas une option pour l’instant, il existe tout plein de moyens de maintenir un lien fort. « Je miserais sur les moments de qualité en couple, même tout simples. Jouer à un jeu de société, regarder une série, prendre une douche, aller marcher avec la poussette et jaser (même si c’est pour parler du bébé!). On peut faire une compétition de Mario Kart, ça compte! », illustre la sexologue qui suggère également d’accomplir des tâches ensemble, comme donner le bain ou faire la cuisine, quand c’est possible.
« Le ou la partenaire peut aussi s’impliquer de près, en temps réel, dans les soins donnés au bébé. Faire un massage ou caresser les cheveux de la maman qui allaite, soutenir le dos du bébé pour partager la charge, par exemple. Ces habitudes aident à allier les rôles de parents, d’amoureux·euses et de partenaires sexuel·le·s. »